[FICA 2016] Invisible de Lawrence Fajardo

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Festival des Cinémas d’Asie de Vesoul / En compétition

Le Japon est réputé pour être un pays traditionnellement fermé par rapport au reste  du monde et relativement hostile aux vagues d’immigration, avec des lois très strictes et handicapantes pour les arrivants. Les philippins sont une des communautés les plus présentes au sein de l’île, mais si on les voit peu – et cela se vérifie assez par le prisme du cinéma japonais – c’est parce qu’ils sont relégués tout en bas de l’échelle sociale, parmi les invisibles.

Dans la séquence d’ouverture, un journal télévisé nippon rapporte froidement la mise à découvert d’une famille d’illégaux philippins, lesquels sont expulsés sans ménagement vers un pays d’origine quitté près de 20 ans auparavant. La dureté et l’intransigeance des lois nippones est ainsi rapidement éprouvée.

Situé dans la localité de Fukuoka, au nord de l’île de Kyūshū, le film donne à observer les trajectoires de quatre personnages et, à travers eux, les difficiles vies des immigrés philippins au Japon, qu’ils soient légaux ou illégaux. Les contrôles d’identité récurrents exercent une pression constantes sur ce microcosme replié sur lui même. Au sein de la communauté philippine de Fukuoka, la solidarité entre les membres s’organise autour de Linda. Son mari japonais est relativement peu regardant sur les activités de son épouse, Linda louant de petits appartements aux travailleurs philippins installés ici.

Tourné au plus près des personnages, avec une grande rigueur esthétique et sous une lumière froide, le film de Lawrence Fajardo montre avec force l’effacement de cette communauté d’immigrés. Ils sont tous réduits à des rôles de subalternes, occupent les jobs de l’ombre, sont assujettis où même carrément humiliés. Les seuls rapports décrits avec les japonais sont des rapports d’autorités (par rapport aux chefs d’équipes, par rapport à la Police) et il n’y a que peu de place pour la possibilité d’un épanouissement personnel, d’autant que le peu d’argent gagné est envoyé directement à la famille restée aux Philippines. En focalisant sur quatre personnages, Lawrence Fajardo illustre une petite variété de situation qui ont toute en commun une extraordinaire fragilité et aussi, malgré l’égoïsme des uns et des autres, montre combien leurs destins sont liés. La morale se résume rapidement à « pour vivre tranquillement, vivons cachés et sans faire de vague ».

Construit en deux parties distinctes, le film met d’abord en scène les luttes du quotidien, le combat permanent pour survivre dans l’ombre du reste de la société, les discriminations, les humiliations, mais aussi les petits plaisirs qui permettent d’évacuer la dureté de ces existences à la marge. La seconde partie se concentre d’avantage sur la rivalité entre deux travailleurs philippins dont l’un vient d’arriver illégalement. Leur face à face fait dériver progressivement le récit vers un drame social matiné de polar. Autant la première partie permet un attachement aux personnages, autant la seconde, relativement classique, fait monter la tension et l’émotion. Cet équilibre parfaitement tenu fait toute la richesse et toute la réussite de ce film tout en dignité malgré des problématiques lourdes, et qui au final bouleverse sans tricher.

B.T

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