Keep the lights on d’Ira Sachs (2012)

Erik multiplie les expériences sexuelles avec des hommes qu’il rencarde via un service téléphonique. Au cours d’une de ses aventures, il rencontre Paul. Celui-ci l’informe qu’il a une petite amie et qu’ils ne se reverrons pas. Pourtant Erik et Paul vont se revoir et bientôt entamer une véritable relation amoureuse, passionnelle et orageuse.

Ira Sachs, cinéaste new yorkais malheureusement trop rare et qui nous avait envouté en 2005 avec Forty shades of blue, livre un film très personnel, écrit d’après sa propre histoire. Keep the lights on est le récit sur près d’une décennie de la fin des années 90 à la fin des années 2000, d’une histoire d’amour pathologique, douloureuse et qui n’aura jamais pu s’épanouir vraiment dans un bonheur partagé. Erik et Paul s’aiment, mais Paul est accroc au crack et la drogue va pervertir toute leur relation.

Les amants sont sans cesse attirés l’un vers l’autre mais Erik souffre de l’égoïsme de Paul, ses absences qui sont ressenties comme des infidélités. Paul disparait dans les fumées du crack et reviens toujours vers Erik. La situation ne peut néanmoins durer et Erik parvient à forcer Paul de faire un séjour en cure de désintoxication. Ca ne suffira pas, Paul retombe à chaque fois dans le même engrenage.

Ira Sachs est un cinéaste de la mélancolie. Tout son art se situe dans les nuances, qu’elles soient émotionnelles ou picturales. Le film est véritablement émouvant même si très pudique. Quand il filme les scènes d’amour, c’est un constat analogue. Ira Sachs s’attarde sur les corps, met en scène les séquences passionnelles de manière crue mais toujours distanciée, respectant l’intimité des personnages. L’émotion est traitée avec la même ambivalence. Sachs capte les souffrances de ces personnages mais il n’insiste jamais quand ils sont au maximum de leur vulnérabilité. Le film est beau par sa façon de peindre la douleur d’Erik par très petite touche. Le tableau prend forme doucement, de façon délicate et sensible.

Le cinéaste avait déjà signée un très beau film avec Forty Shades of blue (Grand Prix à Sundance et à Deauville en 2005). Le souvenir qui nous reste de ce film, c’est d’abord son ambiance. Ira Sachs est doué pour capter la mélancolie et la fragilité de ses personnages. Tout son travail d’observation et de description s’inscrit dans les nuances qu’il induit. Keep the lights on propose une véritable immersion dans New York. La mise en scène est élégante mais sans céder au piège d’une esthétisation carte-postale des rues de New York. Sachs capte l’ambiance des bars et restaurants, utilise beaucoup la lumière naturelle mais toujours avec un soucis de composition des ces plans. La musique participe également beaucoup de cet ensemble un peu trouble. La partition est discrète mais elle accompagne les différentes variations, les changements de tons etc. et tout cela avec toujours beaucoup de mesure et de sensibilité. Thure Lindhardt, déjà très troublant dans The Island de Kamen Kalev (Quinzaine des réalisateurs 2011), est parfait dans le rôle d’Erik. Son jeu est discret et en même temps toutes les émotions l’animent.  Keep the lights on est un film amer et dont la tristesse nous contamine, mais il est surtout le portrait beau et touchant d’un homme blessé pour qui l’amour représente la pire des douleurs.

Benoît Thevenin

Keep the light on ****

Sortie française le 22 août 2102

Lire aussi :

  1. 25 novembre 1970, le jour où Mishima a choisi son destin de Koji Wakamatsu (2012)
  2. Alyah d’Elie Wajeman (2012)
  3. 3 de Pablo Stoll (2012)
  4. De rouille et d’os de Jacques Audiard (2012)
Email

Laisser une réponse