3 de Pablo Stoll (2012)

En 2004, Pablo Stoll signait le triste mais très joli Whisky avec son compère Juan Pablo Rebella. Les deux s’étaient déjà fait remarqués avec leur premier film, 25 watts, trois ans auparavant. A trente ans, ils avaient l’avenir devant eux, et symbolisaient la participation de l’Uruguay au renouveau général des cinématographies latino américaines depuis la fin des années 90. Malheureusement, leur élan commun s’est brisé en 2006 avec le suicide Rebella.

Pablo Stoll poursuit désormais son chemin seul. Il participe comme acteur à une émission télé satirique uruguayenne, tourne des publicités, et n’a pas abandonné le cinéma. En 2009, il mettait en scène, sa famille, dans une autofiction musicale très rock’n roll et intitulée Hiroshima (le film est resté inédit en Europe). L’ombre de Rebella plane quand même toujours puisque Tres a été développé d’après un premier traitement qu’il a écrit.

On retrouve son goût pour le rock dans 3 (Tres), de part l’excellente B.O qui accompagne le film (avec notamment des morceaux du groupe uruguayen Astroboy). La musique n’est cependant pas centrale au film, mais comme souvent, elle donne le ton.

Tres est le portrait d’une famille éclatée. Cela se passe à Montevideo, mais pourrait très bien se situer dans n’importe quelle grande ville. Ana est une lycéenne brillante mais extrêmement dilettante et inconséquente. Elle se laisse porter, elle agit étrangement, comme si elle semblait décider à gâcher son avenir. Sa mère passe son temps dans la salle d’attente d’un hôpital, pour accompagner le dernier souffle de sa tante. Son père est lui  un dentiste célibataire et solitaire, qui va tenter de rétablir le lien avec les deux femmes de sa vie.

Le scénario s’inscrit dans un quotidien balisé et inoffensif. Tout le film se déroule comme si le temps était en suspension. Les personnages éprouvent chacun une solitude plus ou moins pesante selon l’un ou l’autre. C’est pour le père qu’elle est la plus difficile à supporter. Les trajectoires de chacun sont indépendantes et peinent à se croiser. Seul Ana établit un pont entre ses parents, mais à mesure qu’elle grandit, on devine que la réconciliation du couple est de plus en plus illusoire.

Tres ne brille peut-être pas par l’originalité de son histoire mais cette chronique désenchantée est quand même plein de charme et de tendresse. Tres est d’abord un film de personnages. On se retrouve dans chacun une véritable profondeur et tous arrivent à nous séduire et nous émouvoir. On s’attache facilement à ce père à la souffrance pudique et discrète mais qui se débat peut-être en vain. Ana, par son ambivalence et son caractère insaisissable, est assez fascinante.

Petit film simple, agréable et sans prétention, Tres est quelque part idéal pour accompagner nos propres moments de spleen, dans ce sens où sa douceur procure beaucoup de bien.

Benoît Thevenin

3 ***1/2

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