[Le Monde selon Bush] Portrait du réalisateur William Karel

Depardon, Marker, Lanzmann, Philibert etc… sont, à juste titre,parmi les documentaristes français les plus connus, les plus célébrés. Depuis peu, grâce à son pamphet virulent contre l’administration américaine Le Monde selon Bush, William Karel à enfin acquis la notoriété qui lui revient de droit au regard de son œuvre.

Le monde selon Bush est la cerise sur le gâteau d’une suite de documentaires relativement pointus et qui analysent assez largement la société américaine, son évolution, son actualité.

Ainsi, Karel est l’auteur de passionnantes enquêtes sur les coulisses du pouvoir américain, sur le fonctionnement de la CIA. Son discours est toujours étayé par les plus proches acteurs des évènements décrits (de Henry Kissinger à Richard Pearl pour ne citer qu’eux). Son style se démarque ainsi d’un Depardon. Depardon est avant tout un observateur attentif qui par son regard nous amène à prendre conscience d’un phénomène, à y réfléchir. Karel opte pour un style plus directement journalistique. A ses arguments, il convoque de prestigieux témoins, lesquels expliquent le comment du pourquoi. Le scénario est ainsi contenu dans le montage de ces témoignages.

Jusqu’au Monde selon Bush, Karel dépoussiérait les archives, apportait un regard précis sur des situations historiques méconnues. Ainsi CIA Guerre secrètes révèle les enjeux liés à la CIA, son influence… On prend conscience avec une plus grande insistance de son comportement pendant la guerre froide ou comment Kennedy a réussi avec un courage hors du commun à faire respecter son autorité légitime lors de la crise des Treize jours. Il faut prendre la mesure du travail colossal de Karel et de ses collaborateurs. A la lumière de ses films, notre vision des Etats-Unis change. Il ne peut en être autrement. L’argumentation de Karel est sérieuse, crédible et vérifiable. Il ne verse pas dans la surenchère à l’instar d’un Michael Moore car lui n’a pas la même ambition politique. Ses enquêtes sont des appels à ouvrir les yeux.

Le travail de Karel est salué depuis longtemps car son sérieux, sa minutie interpelle. S’il a réalisé 6 films en relations avec l’Histoire américaine, son œuvre est bien plus riche que cela (une bonne trentaine de documentaires tous plus intéressants les uns que les autres) : les coulisses de la présidence de Giscard (VGE), comment le secret de la maladie de Mitterrand a été soigneusement préservé (Un Mensonge d’Etat), une analyse méticuleuse de l’histoire de l’extrême droite en France (Histoire d’une droite extrême) ou encore la misère, la précarité et la faim dans le monde à travers FMI : Mourir à crédit etc.

Ce soin dans son travail permet aussi à Karel un ludique et ambitieux projet mensonge. Opération Lune (Cf notre article sur le documenteur) énorme canular, fantasme de Karel et hommage à Kubrick est d’autant plus déstabilisant que l’auteur, déjà réputé loyal reste fidèle à ses principes et à son style de journaliste d’investigation. Avec Opération Lune, Karel dévoile aussi son goût pour le second degré.

On lui doit aussi cette magnifique carte postale truquée de Hollywood – tout simplement baptisé Hollywood – où Karel s’immerge dans le réel de cette ville fantasmatique en y apportant sa part de duperie. Le résultat est authentiquement étonnant.

Karel dit vouloir s’attaquer à la politique française, vouloir forcer le verrou de la langue de bois typique de nos politicards. Ainsi, en projet, un film sur la réélection de Jacques Chirac en 2007, les résultats du 21 avril etc.

Qu’on se le dise, tout simplement, Karel est un auteur important et essentiel.

Lire aussi :

  1. Interview avec William Karel, réalisateur d’Opération Lune et Poison d’avril.
  2. Poison d’avril de William Karel (2006)
  3. Le Roi Lire de William Karel
  4. Court-métrage : Monde de gloire de Roy Andersson
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