The Red Riding Trilogy par Julian Jarrold, James Marsh et Anand Tucker (2009)

En l’an du seigneur 1974. Un jeune journaliste est engagé en voiture sur une longue route droite et déserte. Une route sans fin qui découpe un no man’s land. Eddie Dunford (Andrew Garfield), reporter criminel, est en chemin vers Manchester pour tenter de relater et comprendre une série d’enlèvement d’enfants qui terrorise toute la région du Yorkshire. L’image de cette longue route va être récurrente dans les trois films de la trilogie Red Riding. Parce qu’elle semble infinie, elle donne le ton d’une affaire qui va s’enliser pendant près d’une décennie sous fond de mutation de la société britannique, de conflits sociaux importants, et surtout, d’une corruption quasi généralisée au sein de la police.

Red Riding réunit le gratin du cinéma anglais de ces dernières années, autant les valeurs montantes (Andrew Garfield, Rebecca Hall etc.), que quelques grandes figures comme Peter Mullan, Sean Bean, ou autres stars «intermédiaires» (David Morrissey, Paddy Considine), pour une plongée dans les méandres les plus sombres d’une société anglaise tiraillée par les plus terrifiants démons. La trilogie a originellement été produite par la chaine de télévision Channel 4. L’ambition de cette fresque criminelle, ses qualités dramatique et artistique ont permis aux films de se frayer un accès aux salles, y compris françaises (même si dans un circuit plus que réduit, ce qui est vraiment dommage).

Au delà des enquêtes qui se succèdent autour d’une même grande affaire, Red Riding opère une véritable radioscopie de l’Angleterre des années 70. Le pays est profondément divisé, principalement entre le Nord et le Sud, mais les fractures sont nombreuses par ailleurs. La guerre en Irlande pèse sur les consciences, la religion occupe une place angulaire. Cet éclatement de l’Angleterre à divers niveaux, y compris et surtout à celui de la Police, permet à la violence, à la fois physique et morale, de se déployer à faveur des querelles et des affrontements de personnes, ou idéologiques aussi.

Les évènements relatés dans Red Riding sont inspirés de faits réels décrits dans la série de quatre romans de David Peace. Les livres représentent à eux seuls une sorte d’équivalent au Dahlia Noir de James Ellroy : une même noirceur quasi absolue, une même capacité à sonder en profondeur une époque donnée, le même genre de faits criminels (meurtres en série, corruption de la police etc.). Les trois films adaptés de ces romans sont brillants, rendent compte à merveille de cette complexité et de cet Enfer qui caractérise l’ensemble. Pour sûr, il n’y a là que peu de place pour de la lumière, l’atmosphère est lugubre, l’espoir n’existe pas, l’heure n’est franchement pas aux réjouissances. Dans Red Riding, c’est d’abord le crime qui paye et chaque âme finira corrompue d’une manière ou d’une autre. Il ne sera jamais bon non plus de s’approcher trop près de la vérité. Les égoïsmes font loi, même s’ils ne triomphent pas toujours. Par rapport aux romans, la trilogie télévisuelle est évidemment moins dense mais elle contient une puissance qui lui est propre et qui impressionne.

Les trois films sont chacun excellents, mais s’apprécient quand même diversement. Le premier volet est le plus réussi, le plus marquant. Le second enfonce le clou mais a peut-être un impact moins immédiat. Le dernier chapitre clôt lui une histoire dont on ressort comme lessivé.

Red Riding finit par rejoindre quelques problématiques actuelles qui nous démontrent que les démons nous collent aux basques et que l’on ne s’en libère jamais complètement. Il est notamment question de violence d’Etat, de la pression que peut exercer les médias, de la nature vengeresse des uns et des autres et cette autre pression lourde que peut imposer la collectivité lorsqu’elle s’associe dans un même élan de colère et/ou de peur. Il est aussi question de pédophilie, qui est pour le coup en lien direct avec notre propre actualité médiatique.

Red Riding représente environ 4h30 cumulées, 4h30 d’une plongée dans les Enfers de la société britannique de 74 à 83, pour un résultat assez fort, qui marque par sa cruauté et son absence de possibilité réelle de rédemption. Les trois cinéastes qui se sont succédés à la réalisation de chacun des épisodes exécutent une histoire trouble et complexe, mais qu’ils mènent tous parfaitement. C’est vraiment à la fin que tout s’éclaire ; au minimum à la fin de chaque film. La route est longue et sans retour véritable, mais elle vaut vraiment la peine d’être empruntée. La télévision anglaise est décidément impressionnante.

Benoît Thevenin

Bonus :

  • 1974 : Interview du réalisateur Julian Jarrold, scènes coupées
  • 1980 : Making-of, scènes coupées
  • 1983 : Coulisses du tournages, scènes coupées

Cette chronique a été permise par le site Cinétrafic, dans le cadre de l’opération Dvdtrafic.



The Red Riding Trilogy – Note pour les films : //
Sortie française le 11 novembre 2009
Sortie DVD le 16 mars 2010 (Studio Canal)


Lire aussi :

  1. Shadow dancer de James Marsh (2012)
  2. Le Projet Nim (Project Nim) de James Marsh (2011)
  3. Riding the dreams (Kanasembo kudereyaneri) de Girish Kasaravalli (2010)
  4. Le Funambule (Man on wire) de James Marsh (2008)
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Aucun commentaire sur “The Red Riding Trilogy par Julian Jarrold, James Marsh et Anand Tucker (2009)”

  1. Axel dit :

    Je viens de louer les 2 premiers. Ils ont l’air prometteurs. Comme tu dis, la télévision britannique est impressionnante (je pense aux séries Doctor Who, Life on Mars, pour citer les plus connues)

  2. Phil Siné dit :

    je n’ai vu que le 1er en salle, et j’avais trouvé l’atmosphère rudement intéressante… je regrette de ne pas avoir eu le temps de voir la suite !! :)

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