Printemps, été, automne, hiver… et printemps (Bom yeoreum gaeul gyeoul geurigo bom) de Kim Ki-Duk (2003)

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On parle de Nouvelle Vague pour le cinéma coréen. On ne distingue pourtant aucun courant esthétique particulier, aucune évolution technique. La particularité ce cinéma coréen contemporain est d’abord de se faire remarquer des occidentaux. Peut-être parce que l’Asie est à la mode, mais peut-être surtout parce que ce cinéma là est passionnant.

A l’inverse du voisin nord-coréen qui s’écroule chaque jours un peu plus dans le féodalisme le plus intransigeant, la Corée du sud est un pays moderne, portée sur le libre échange et les notions de commerce extérieur. Ce qui s’exporte donc bien, outre certains de vos lecteurs DVD ou certaines de vos voitures, ce sont ces films riches, captivants, mais encore trop confidentiels. De Peppermint Candy de Lee Chang-Dong aux films de Hong Sang-Soo (La Vierge mise à nue par ses prétendants), une nouvelle génération se fait connaître et qui vient du pays du matin calme.

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Le plus remarquable, et peut-être aussi le plus remarquée de tous ces cinéastes, est sans doute Kim Ki-Duk. A 38 ans et en quelques années, il a déjà réalisé cinq ou six films, tous des plus enivrants. Rappelez vous de L’île, chef d’œuvre sulfureux de violence et de poésie.

Son dernier, Printemps, été, automne, hiver et… printemps est porté par la même fulgurance, touchée par la même grâce.  Le titre renvoie à l’idée de cycle. Un cycle initiatique oui, empreint de philosophie bouddhiste. Un vieux moine élève en ermite un jeune enfant. Un nouveau cycle de quatre saisons commence, un cycle de vie avec ses joies et ses peines dans la tranquillité d’un temple flottant sur l’eau. Une sorte de paradis perdu, un lac entre montagnes, une barque pour accompagner ceux qui partent ou aller chercher ceux qui viennent… Il y a comme toute une mythologie qui se dégage de cet endroit éloigné de toute corruption sociale. Le jeune enfant cède à ses pulsions. Son insouciance le mène à la cruauté. Il apprend à respecter la vie de l’autre, la nature. Il apprend la culpabilité, la douleur. Plus vieux, dans la chaleur de l’été, il découvre la sexualité, l’amour avec une jeune fille de son âge, malade, qui cherche le repos et guéri miraculeusement grâce aux plaisirs de la chair. L’été fait place à l’automne. L’amour à la mort. La société s’est montrée impitoyable avec le héros. Il revient au temple mais n’est plus le même. Son âme est corrompue et son désir de destruction s’est révélé plus fort que son éducation, sa raison. Il y a lors cette scène d’une force poétique sans commune mesure ou, pour expier ses fautes, le héros grave dans le bois les caractères d’un sutra. L’hiver marque le retour à la raison, la voie de la rédemption. Au printemps suivant, il est prêt à devenir moine à son tour.

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Le film évoque ainsi l’idée de maturation dans l’épreuve, l’épreuve comme passage obligé pour accéder à la sagesse et à la paix de l’âme. Au lieu de condamner son personnage, il l’accompagne dans l’accomplissement. La métaphore est omniprésente et chacun peut y trouver ce qui lui est nécessaire de spiritualité, de philosophie, de questionnement de soi. Les quatre saisons sont autant de tableaux. Le soin apporté aux images, le lyrisme omniprésent, la douceur de musique, la pudeur du discours… tout donne au film cette dimension métaphysique, ce côté intangible de la beauté de l’âme. Un poème somptueux et optimiste qui nous réconcilie avec nous même et nous invite à la méditation.

Benoît Thevenin


Printemps, été, automne, hiver… et printemps – Note pour ce film :

Sortie française le 14 avril 2004


Lire aussi :

  1. Pas de printemps pour Marnie (Marnie) d’Alfred Hitchcock
  2. Qui a tué Bambi ? de Gilles Marchand (2003)
  3. Des épaules solides d’Ursula Meier (2003)
  4. Viva Laldjérie de Nadir Moknèche (2003)
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