Boogie de Radu Muntean (2008)

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Présenté en 2008 à la Quinzaine des réalisateurs, nous étions passés à côté de « Boogie », le troisième long-métrage de Radu Muntean. Heureusement, le film est sorti dans les salles mercredi…

Bogdan, amoureusement nommé Boogie par sa compagne, est le papa d’un petit garçon de quatre ans. La maman est enceinte d’une petite fille et tout ce petit monde se détend le temps du 1er mai sur une plage au bord de la mère Noire et proche de la frontière bulgare.

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La petite amie de Bogdan est incarnée par Anamaria Marinca, celle là même que nous avions découvert dans 4 mois, 3 semaines et 2 jours, Palme d’Or en 2007. Ce rappel n’est pas anodin car Boogie et le film de Mungiu ne sont pas sans rapport, bien qu’il faille à tout prix nuancer toutes comparaisons. Le sujet de Boogie est moins lourd, ne s’intègre pas au contexte de la Roumanie de Ceaucescu mais, malgré l’apparente intimité dans laquelle le récit de Boogie prend racine, le film de Muntean est assez oppressant et arrive à raconter quelque chose de la Roumanie contemporaine, de sa jeunesse, laquelle doit se construire avec l’héritage et les séquelles laissés par la dictature.

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Comme 4 mois, 3 semaines et 2 jours, Boogie se déroule dans une unité de temps et de lieu. Le style épuré de Muntean rappelle aussi celui de Mungiu, et l’essentiel réside là aussi dans les dialogues, dans les guerres orales que se livrent les protagonistes. Les acteurs sont d’une profonde justesse et contribuent de fait à la grande réussite du film. Anamaria Marinca est d’ailleurs tout aussi à l’aise que dans le rôle qui nous l’a révélé et il serait sans doute intéressant de lui demander de comparer son expérience des tournages avec les deux cinéastes.
On vous livre un détail pour étayer encore un peu le registre de cette comparaison. Dans Boogie, on retrouve un plan d’Anamaria Marinca en train de regarder son reflet dans le miroir de la salle de bain. Le plan rappelle immédiatement une image similaire dans 4 mois, 3 semaines et 2 jours, même si bien sûr le sens et la portée des deux séquences n’ont rien à voir.

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Recentrons-nous sur Boogie exclusivement. Sur leur lieu de congé, Bogdan retrouve deux vieux amis, deux compagnons de route avec qui il aura partagé et vécu son adolescence. A partir de là se met en place les ressors d’une crise au sein du couple. Cette crise est anecdotique par rapport à ce qui se joue en fait autour. La relation entre Bogdan et ses amis contamine l’apparente solidité du couple car elle renvoie à un désenchantement profond qui semble meurtrir la jeunesse roumaine dans son ensemble.

Bogdan a réussi, ses affaires marchent et il est de toutes les façons né dans le confort d’une famille bourgeoise. Ces amis ont eux plus soufferts et ont finit, au moins pour l’un des deux, par s’expatrier en Suède pour fuir la misère roumaine.

Ces différences resurgissent dans la soirée, et traduisent un certain malaise. L’amitié entre les trois n’est néanmoins pas mise en péril. Cette nuit là, Bogdan est tiraillé entre sa fidélité et son amour pour la mère de ses enfants, en même temps que ses responsabilités là pèsent lourd en regard du passé insouciant auquel ses amis le renvoient. La tentation de la fête et d’une nuit légère est forte.

Le vrai sujet du film serait alors ce passage à l’âge adulte, avec le danger d’une nostalgie pour un temps révolu. Métaphoriquement, cela raconte pour sûr la Roumanie actuelle, son émancipation heurtée de l’héritage communiste, et l’espèce d’attraction que cette époque là exerce toujours. Ce n’est pas un hasard si vers la fin du film les trois amis se retrouvent devant une villa qui a appartenu à Ceaucescu. Ils escaladent le portail pour mieux voir derrière mais ne passent pas au-dessus, se retournent et puis poursuivent leurs chemins.
Bogdan revient lui à son épouse. La nuit ne sera pas sans conséquence, mais l’heure n’est pas au règlement de compte, plutôt au compromis et à l’innocence feinte. Plus que jamais, il faut vivre ensemble car ce qui est en jeu et ce qui compte, c’est bien l’avenir et surtout pas le passé.

Benoît Thevenin

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imagesTRIVIA : Bogdan est interprété par Dragos Bucur, l’acteur fétiche de Radu Muntean puisqu’il est le héros de chacun de ses trois films (Furia, Le Papier sera bleu et, donc, Boogie). On l’a aussi vu dans La Mort de Dante Lazarescu de Cristi Puiu ainsi que dans un petit rôle dans L’Homme sans âge de Coppola, aux côtés déjà d’Anamaria Marinca.  Dragos Bucur est également en tête d’affiche de Policier, adjectif, le nouveau film de Corneliu Porumboiu. Le film a été présenté à Cannes il y a quelques semaines, dans la section Un Certain Regard et nous vous en parlions ici.


Boogie – Note pour ce film :

Sortie française le 17 juin 2009

Lire aussi :

  1. Va, vis et deviens de Radu Mihaileanu (2005)
  2. Serbis de Brillante Mendoza (2008)
  3. Tulpan de Sergey Dvortsevoy (2008)
  4. Antichrist de Lars von Trier (2008)
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