De Battre mon coeur s’est arrêté de Jacques Audiard

Césars 2006 / Meilleur film

Il y a quelques années, on s’enthousiasmait devant la renaissance du polar à l’ancienne avec le L.A Confidential de Curtis Hanson. Il y a de fait une exigence constante eu égard à ce genre car ultra stéréotypé. La France avait son plus éminent représentant avec Jean-Pierre Melville. Elle l’a maintenant avec Jacques Audiard.

Dans De Battre mon cœur s’est arrêté le personnage de Romain Duris (Tom) va chercher à s’affranchir de l’influence de son père en marchant sur les traces de sa mère disparue. Le pitch est basique mais Audiard le transcende par son style propre. Ambiance nocturne, moite, gros plans, caméra à l’épaule etc. Audiard décrit une trajectoire personnelle. La trame policière n’est qu’un fond de décor dans lequel se joue la quête rédemptrice de Tom.

La profondeur du film tient d’une part à sa tonalité propre. D’abord emprunte de la justesse que l’on retrouve dans les romans de Benacquista, le scénariste du film. Ensuite, parce que Audiard n’est jamais impudique, que sa caméra respecte les acteurs, respecte Romain Duris et le laisse ainsi dévoiler toute la profondeur de des blessures, l’abîme de ses tourments intérieurs. Le registre sur lequel Audiard joue est assez typique mais son style est trop personnel pour ressembler vraiment à quiconque.

La musique agresse d’emblée le spectateur et accompagne les mouvements de caméra. Très vite, on comprend que l’amoralité de Tom sera le thème central du film. On comprend en effet les contradictions qui l’assaillent. Il est une bête blessée. Se soigner, c’est rentrer dans le rang. La musique est son antidote, elle ouvre la voie de la rédemption, permet à Tom de s’affranchir de ce qu’il est en visitant cette part plus humaine de lui-même. Ainsi, la musique est centrale dans le film est renvoie aux tourments intérieurs de Tom : tantôt agressive, tantôt douce.

La violence parfois saisissante rend le film d’autant plus tendu. L’influence de Benacquista au scénario est alors prédominante. Déjà collaborateur d’Audiard sur Sur mes lèvres, Benacquista est avant toute chose un écrivain. Qui connaît ses livres retrouvera cette atmosphères à la fois cynique et légère etc.… si particulière chez cet auteur. La relation entre Romain Duris et la magnifique Aure Atika est emblématique des rapports hommes/femmes chez Benacquista même si Audiard noircit et grossit les traits. Ce n’est pas un reproche, juste une façon d’appréhender le monde qui est différente chez le réalisateur. Comme Benacquista, il est attaché à l’humain, ses portraits sont même d’une grande pudeur, mais le contexte est presque toujours oppressant car noir. On revient a cette idée très personnelle à Audiard de film noir. On retrouve ainsi une atmosphère, un style et des thèmes qui lui appartiennent presque exclusivement. Le film est pour tous les amateurs de poésie dans un monde de brutes…

Benoît Thevenin


De Battre mon coeur s’est arrêté – Note pour ce film :
Sortie française le 16 mars 2005

Lire aussi :

  1. Un Prophète de Jacques Audiard (2009)
  2. De rouille et d’os de Jacques Audiard (2012)
  3. Arrête-moi si tu peux (Catch me if you can) de Steven Spielberg (2003)
  4. À coeur ouvert de Marion Laine (2012)
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