À coeur ouvert de Marion Laine (2012)

Deux chirurgiens, Javier et Mila, mariés et qui travaillent dans le même hôpital, traversent une période de turbulences. Alors que lui est mis à pied à cause d’un problème d’alcool, elle est supposée le remplacer. Comment gérer ses difficultés professionnelles alors qu’ils s’aiment  passionnément ? Juliette Binoche et Edgar Ramirez campent les deux personnages principaux de ce film sur l’amour fou, ou plutôt l’amour qui rend littéralement fou et qui ne peut se plier aux exigences de responsabilités professionnelles et sociales.

Marion Laine, dont c’est le deuxième long-métrage après Un Cœur Simple avec Sandrine Bonnaire, surprend avec cette œuvre viscérale et puissante qui parvient à transcrire l’amour à l’écran avec une passion et un engagement total à travers ces deux magnifiques acteurs principaux. Librement adapté du roman de Mathias Enard Remonter l’Orénoque, le film se concentre uniquement, avec une précision chirurgicale qui sied parfaitement à son sujet, sur l’histoire d’amour où chaque élément externe n’est qu’un parasitage de leur relation qui ne peut que s’exprimer dans une liberté absoute du monde. Ils en font le projet, ils décident de partir en Amérique du Sud (d’où vient le personnage de Javier) et faire de l’humanitaire dans la jungle mais sont contraints d’attendre. Le chômage forcé de Javier, pour qui être mis au ban est insupportable, les plonge dans une spirale d’autodestruction où son alcoolisme  se fait plus prononcé et où même l’amour devient délétère et dangereux.

Marion Laine choisit de faire de l’appartement du couple le cadre symbolique de l’évolution de leur relation. Sur le point de déménager, les meubles quittent les pièces, les peintures sont refaites, les murs abattus, l’appartement se détruit de l’intérieur. Ce symbole du cocon, de l’utérus aussi, s’auto-détruit peu à peu et paradoxalement, alors que les pièces se vident, se fait de plus en plus étouffant et irrespirable. Cette idée forte de mise en scène, qui aurait pu être assez lourde et sur-signifiante dans les mains d’un cinéaste sans finesse, est ici absolument brillante car elle ne prend jamais le pas sur les personnages, elle n’existe jamais au-devant d’eux. Au contraire, elle les entoure, les enrobe et les comprime.

Cet élément très physique du décor est également présent dans le métier des deux personnages principaux. Chirurgiens, ils travaillent principalement – et ce n’est bien sûr pas innocent – sur l’organe du cœur. Techniciens aguerris de l’organe où l’amour est supposé se loger, ils ne parviennent pourtant pas à guérir les leurs. L’idée que les mains peuvent manipuler le cœur est mise en scène  à travers une scène saisissante : Javier, en comprimant le cœur d’un de ses patients, lui redonne  la faculté de battre. A l’inverse, il ne parvient pas à refaire battre le pouls de l’amour et Mila lui échappe peu à peu.

A coeur ouvert est une magnifique découverte, un film brut, sec (à peine 1h30), animal (le personnage de Javier est fasciné par les singes) et incandescent, replié sur lui-même dans la violence des sentiments, et servi par deux acteurs sublimes totalement investis dans des rôles douloureux. De la douleur le film en contient beaucoup même si au final, ce qui reste, c’est la puissance absolue de l’amour qui, malgré tout, est toujours là.

Grégory Audermatte

A coeur ouvert ****

Sortie française le 8 août 2012

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Un commentaire sur “À coeur ouvert de Marion Laine (2012)”

  1. selenie dit :

    Les acteurs interprètent leur personnage avec les tripes mais ça manque de corps. Comment croire à des médecins tant ils sont immatures et aveugles ?! Oui alcool et passion mais il y a des limites pour faire avancer le shmilblick. La fin est une déception, un dernier acte qui ne colle pas au côté réalisme du film. Heureusement les acteurs impeccables sauvent le film… 1/4

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