Student de Darejan Omirbaev (2012)

Dans une grande ville kazakh non identifiée, un étudiant en philosophie, de condition précaire et socialement à la marge, se cherche une raison d’exister. Il décide de braquer une épicerie mais l’affaire tourne mal et il tue le gérant ainsi qu’une cliente. Il va ensuite errer dans les rues de la ville, rongé par la culpabilité.

Darejan Omirbaev s’était librement inspiré d’Anna Karenine de Tolstoï pour son précédent film, Chouga, sorti en 2010. Student s’inspire lui, dans les grandes lignes seulement, d’un autre classique de la littérature russe, Crime et Châtiment de Feodor Dostoïeveski.

Omirbaev fait le portrait d’un jeune homme ordinaire, sans talent et paumé, dans une société nouvelle et matérialiste dans laquelle il peine a exister. Le personnage n’a pas de nom, pas d’identité particulière. Il est un jeune homme solitaire, renfrogné, qui déambule nonchalamment et sans but. Coincé et sans aucune marge de manoeuvre, sa pauvreté l’exclu de la communauté. Sans argent, comment être avec les autres ?

Le personnage ressemble beaucoup à celui d’un autre film kazakh récent, Sunny day de Nariman Turebaev, présenté au festival de Vesoul en 2012. Les deux films semblent se répondre et dessinent ensemble un état des lieux peu reluisant de l’état de la société kazakh, où une partie de la jeunesse est marginalisée, sans repère et sans grand espoir en l’avenir.

La mise en scène dépouillée et figée de Student coïncide avec son personnage. Omirbaev respecte rigoureusement une grammaire cinématographique simple et basique, y compris lorsqu’il s’autorise quelques écarts oniriques. Le personnage ne suscite guère d »empathie et le rythme s’accorde aussi avec sa démarche nonchalante.

Le film n’est pas inintéressant, mais pas spécialement inspiré non plus. Tout l’intérêt réside dans le regard du cinéaste et la distance qu’il crée avec son personnage, ni trop lointaine, ni trop collée à lui. Le cinéaste refuse toute confrontation. Les meurtres ont lieu hors champs, tout comme la bagarre que le personnage a mené pour récupérer le sac à main d’une jeune femme qui venait de se le faire voler sous ses yeux. Le cinéaste ne cherche alors pas à établir une quelconque complicité avec le personnage, ne sollicite aucune implication ni compassion. C’est tout le problème du film, un peu ringard dans le fond comme dans la forme, et qui ne déploie que peu d’émotion. Omirbaev témoigne de l’impuissance de son personnage dans une société où le déterminisme est trop fort et écrase les consciences ; où les confits intérieurs se conforment à la morale socialement établie. Cela dit, voilà, on est si peut concerné par le personnage que finalement, on se fiche bien de son sort.

Benoît Thevenin

Student **1/2

Lire aussi :

  1. Kardiogramma de Darejan Omirbaev (1995)
  2. Trois mondes de Catherine Corsini (2012)
  3. Alyah d’Elie Wajeman (2012)
  4. Infancia clandestina de Benjamín Ávila (2012)
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