La Chasse (Jagten) de Thomas Vintenberg (2012)

 

Dans la séquence introductive, un groupe d’adultes où chacun plonge nu dans un lac. Les personnes sont sans pudeur entre eux et révèlent ainsi une véritable complicité. Cette entente n’est qu’un vernis qui va rapidement se déliter. Dans un premiers temps, cette séquence convoque le souvenir des Idiots de Lars von Trier. La pensée n’est que fugace car les films n’auront rien à voir, mais cela suffit à nous faire souvenir que le cinéaste de Melancholia a été à l’initiative de Dogma95 avec Thomas Vinterberg, lequel signa en 1998 le culte Festen.

La Chasse nous parvient presque quinze années plus tard, comme un écho au film Dogme du cinéaste. Vinterberg a poursuivi son parcours, confirmant mal son statut de révélation, et se conformant à une forme de cinéma classique et même consensuelle. Là, le cinéaste prend le risque de déconstruire complètement Festen. Il est de nouveau question de pédophilie mais Vinterberg traite le sujet de manière complètement différente.

Lucas travaille dans une école maternelle et est un homme respecté et adoré par les enfants. Un jour la petite Klara, la fille de son meilleur ami, commence a tenir des propos grave qui laissent supposer que Lucas a abusé d’elle. La directrice de l’école avance prudemment sur l’affaire mais prend ses responsabilités, d’autant que pour elle, la parole de l’enfant est sacrée. Elle ne croit pas une seconde que l’enfant puisse mentir avec une telle accusation.

Dans Festen, l’accusation de pédophilie était d’abord démentie avant d’être confirmée, mais ce thème n’était pas le sujet central du film. Vintenberg se plaisait à faire éclater le vernis d’une famille bourgeoise. Dans La Chasse, Vintenberg ne crée aucun suspens quant à la réalité des actes de son personnages. Lucas est innocent et on le sait, mais il va se retrouver progressivement exclu de la communauté à laquelle il fait partie.

Tout repose sur les propos suspects d’une enfant fragile et influençable. La gamine a des images dans la tête qui sont celles pornographiques que d’autres enfants lui ont montré. Sa réaction contre Lucas qu’elle adore ? C’est sa manière à elle de montrer qu’elle est en colère que Lucas lui ait menti en simulant – pour jouer – sa mort. L’ambiguïté de ce qu’elle raconte ensuite ? Face aux pressions des adultes, elle ne sait plus du tout faire la différence entre ce qui est vrai et ce qui est fantasmé. Toute une mécanique se met en place qui n’a absolument rien d’invraisemblable. En France on est même très renseigné sur la question : Depuis le désastre judiciaire de l’affaire d’Outreau, on est averti du danger de sacraliser la parole d’enfant.

Ce qui intéresse cependant le cinéaste, c’est de montrer une communauté se fissurer en même temps qu’elle affronte la rumeur. Quoi de plus normal quand on présume la présence d’un monstre en son sein ? Le vers est dans le fruit. Vintenberg ne laisse pas les choses dégénérer comme on pourrait le redouter. La Chasse n’est pas un remake du Furie de Fritz Lang et Lucas, s’il est rejeté des siens, s’il perd même la confiance de son meilleur ami, ce qui est tout à fait légitime, ne sera jamais lynché. Cela dit, on peut regretter que l’intrigue bascule dans la surenchère quant au sort laissé au chien de Lucas. La scène est attendue mais pas nécessaire, et en l’occurrence on s’en serait bien passé.

La rancoeur de ceux qui côtoyaient Lucas tous les jours et s’estiment trahis reste sinon très contenue. C’est en cela que le film est intéressant. Il montre une humanité qui n’est pas si sale que ça, qui reste civilisée même si elle cède à la panique et à la peur par réflexe. Finalement, le sujet fondamental du film c’est de montrer à quel point une simple rumeur peut ruiner la vie d’une personne, l’équilibre d’une communauté etc. Les dommages sont considérables et irréversibles. La scène finale est là pour nous le rappeler, le temps ne fera jamais son affaire, il restera toujours dans certaines consciences des traces de qu’il s’est passé. La démonstration fait froid dans le dos.

Benoît Thevenin

La Chasse ****

Lire aussi :

  1. Soi Cowboy de Thomas Clay (2008)
  2. There will be blood de Paul Thomas Anderson (2008)
  3. Norwegian Ninja (Kommandør Treholt & ninjatroppen) de Thomas Cappelen Malling (2011)
  4. 38 témoins de Lucas Belvaux (2012)
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Un commentaire sur “La Chasse (Jagten) de Thomas Vintenberg (2012)”

  1. selenie dit :

    Un très bon film, une tragédie qui fait froid dans le dos. Mikkelsen est énorme… 3/4

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