Moonrise Kingdom de Wes Anderson (2012)

« Et toi, quel oiseau es-tu ? ».  En tout cas, Wes Anderson en est un drôle d’oiseau. Le cinéaste décline film après film un même univers, réutilise des figures déjà entrevues, mais réussi à chaque fois à nous surprendre par sa malice et son inventivité.

Moonrise Kingdom est son sixième long-métrage depuis 1996. Les films nous parviennent à intervalle plutôt régulier, en général tous les deux ans, et l’on en attend pas moins de sa part tant sa méticulosité métronomique est sa marque de fabrique. Moonrise Kingdom s’inscrit immédiatement dans la continuité de son travail. Wes Anderson construit chacun de ses plans avec un compas dans l’oeil. L’obsession géométrique est partout, dans la composition même des plans, tout en symétrie, mais aussi de part les formes à l’intérieur du cadre. La maison des parents de Suzy est la somme de figures géométriques. La tente s’apparente à un triangle isocèle etc. Même le scénario est construit selon une structure symétrique.

Le film ouvre sur une fugue adolescente. Sam est le mouton noir de sa troupe de scouts et décide de renoncer à faire partie du groupe. Dans sa fuite, il retrouve Suzy, une jeune fille de son âge en quête d’émancipation elle aussi. Les adultes essaient de les rattraper, mais les gamins font toujours preuve d’une certaine ruse. Qu’Anderson choisissent une bande de scouts comme principale « famille » de son nouveau film va dans la droite lignée de Fantastic Mr Fox, son film d’animation sorti en 2010. De bien des manières, les films se rejoignent et se ressemblent et la malice du petit Sam est très cousine de celle de Fox.

Le cinéaste inscrit son récit dans un mouvement permanent, qu’accompagne la mise en scène elle même composé de nombreux travelling latéraux. Le mouvement, c’est ce qui caractérise de plus en plus les films de Wes Anderson depuis The Darjeeling limited (et dans une moindre mesure déjà avec La Vie aquatique) : les personnages embarquent pour un voyage qui va leur permettre de grandir et de se réconcilier. C’est en cela que Moonrise Kingdom suit plutôt le modèle de Fantastic Mr Fox, dans le sens où toute l’histoire suit un principe de jeu du chat et de la souris. Les personnages fuient, se font rattraper, s’échappent de nouveau etc.

Tout cela se fait sans la moindre impression de répétition. Wes Anderson fait preuve d’une inventivité constante. Tout le film est ponctué de trouvailles iconoclastes et amusantes (la maison perchée dans le ciel, Sam foudroyé etc). Pour autant, Wes Anderson ne peut-être réduit à son formalisme singulier et exigeant. Le cinéaste est toujours aussi doué pour rendre compte des bleus à l’âme de ces personnages. Les  blessures intimes des personnages sont flagrantes et la légèreté de l’ensemble est troublée par la cruauté que subit certains dès personnages (Sam en premier lieux, mais aussi Le chef scout Ward (Edward Norton) entre autres). On reconnait que Wes Anderson dessine des personnages archétypaux, mais c’est pour mieux nuancer leur personnalité. On s’attache forcément au couple innocent qui se forment sous nos yeux, mais finalement, les adultes dans le film font preuve de la même irresponsabilité que les enfants, ceux là même qui en revanche font comme s’ils était déjà grands. D’une certaine manière, cela met tout le monde a égalité et c’est par là aussi que le décalage se construit. Wes Anderson est génial pour ça. Tout son univers est rigoureux, droit, ultra-composé, avec des personnages eux mêmes strictement calibrés… et à partir de là, Wes Anderson déconstruit insidieusement l’ensemble de  l’édifice pour mieux faire déraper les choses.

Le charme poétique des films de Wes Anderson opère toujours à merveille. Moonrise Kingdom est l’oeuvre d’un cinéaste en pleine possession de ses moyens, qui ne laisse rien au hasard mais qui continue d’épater. Sa maîtrise obsessionnelle continuera d’agacer les mêmes qui n’ont pas été jusqu’ici sensibles à son univers. Pour les autres, il n’y a pas de raison qu’ils aiment moins ce film que tous les précédents.

Benoît Thevenin

Moonrise Kingdom ****

Sortie française le 16 mai 2012

Lire aussi :

  1. La Vie Aquatique (The Life aquatic) de Wes Anderson (2005)
  2. Fantastic Mr. Fox de Wes Anderson (2010)
  3. There will be blood de Paul Thomas Anderson (2008)
  4. A bord du Darjeeling Limited (The Darjeeling Limited) de Wes Anderson (2008)
Email

Un commentaire sur “Moonrise Kingdom de Wes Anderson (2012)”

  1. selenie dit :

    Très beau film, un conte nostalgique où les adultes sont presque plus enfantins que les enfanst eux-même… 3/4

Laisser une réponse