Maniac de William Lustig (1980)

Odyssée meurtrière et à la première personne d’un pervers sadique, Maniac conserve plus de trente ans plus tard tout son potentiel. Film d’horreur culte des années 80, Maniac bénéficie d’une réputation de film extrême. Si on en a vu d’autres bien plus révulsant, Maniac demeure un film dérangeant et malsain, du genre qui met vraiment mal à l’aise.

Une respiration lourde accompagne le premier geste de celui qu’on ne quittera jamais. La première séquence est filmée en caméra subjective et celui dont nous empruntons le regard prend place derrière une paire de jumelles d’observation sur une plage. L’espace est quasi désert et l’on entend que les mouettes. L’homme fixe son attention sur un couple amoureusement prélassé sur le sable. La caméra subjective se rapproche de la jeune femme laissée seule et ne perd pas de temps pour lui trancher la gorge. Son fiancé ne survivra pas beaucoup plus longtemps .

Cette séquence d’introduction précède le générique, une caméra à l’intérieur d’un appartement au décorum qui révèle toute la personnalité du tueur. Le réalisateur William Lustig nous fait entrer dans l’intimité du personnage et rend compte immédiatement son désordre mental.

Le film se résume presque au parcours meurtrier du tueur, incarné par le massif et impressionnant Joe Spinell. William Lustig abandonne le principe de la caméra subjective mais ne lâche pas pour autant son anti-héros, suivant le maniaque dans le détail de son parcours. Frank Zito, quand il ne tue pas, se révèle relativement sociable (cf. sa relation avec la très belle Caroline Munro), quoique pour nous spectateur, il est impossible d’évacuer l’inquiétude que provoque de fait le psychopathe. On ne sait que trop ce dont il est capable. La nuit, Frank suit dans la rue des jeunes femmes qui le stimulent sexuellement, les tue et ramène chez lui une relique de chacun de ses meurtres.

William Lustig livre un film sordide et glacial qui n’épargne pas grand chose au spectateur. Notre position est très inconfortable puisque tout est vu à travers le regard du pervers, et que rien ne vient entraver son plan démoniaque. La police est absente et il n’y a pas de contre-champ moral aux actions de l’assassin.

Franck Zito tue de manière chaque fois différente et cela permet au cinéaste de varier les registres et le rythme du film. Quand Franck tue un couple avec un fusil à pompe, la séquence est brutale, sèche, et impressionnante. Les têtes des victimes explosent littéralement sous nos yeux (mention spéciale aux effets spéciaux de Tom Savini, particulièrement saisissants). A cette scène courte et violente s’oppose une longue séquence où Franck suit une jeune femme dans la rue depuis la sortie de son travail. Celle-ci se sent suivie, accélère le pas et s’inquiète d’autant plus qu’elle remarque la présence derrière elle de Frank. Lustig étire au maximum une scène tout en tension, longue, et où l’on se demande réellement si la jeune femme réussira à échapper à son prédateur.

Maniac arrive sur les écrans en 1980 (en France il sera interdit aux moins de 18 ans), soit 20 ans après le Psychose d’Hitchcock. Le film de Lustig induit forcément la référence au chef d’oeuvre du maître du suspens tant les personnalités de Norman Bates et de Franck Zito concordent presque exactement, avec notamment le même traumatisme lié à la mère et une obsession comparable à entretenir la présence de celle-ci. La différence entre les film tient au point de vue du cinéaste, puisque William Lustig a donc choisi de rentrer directement dans la tête de son tueur. Le résultat est déroutant, sordide et malsain. Même si trente ans plus tard on peut considérer que Maniac a quelques peu vieilli, il reste un film efficace et très peu confortable. La performance de Joe Spinell (également co-scénariste du film) y est pour beaucoup. L’acteur habite de sa présence massive un personnage dont on perçoit dans le regard halluciné toute la folie et toute la perversité.

Une suite à Maniac était prévue et a même commencé d’être tournée. Le décès de Joe Spinell en 1989 a finalement empêché le film d’être terminé (une bande-annonce figure cependant sur le DVD de Maniac).

Quant à William Lustig, cinéaste généralement – et à tord – mésestimé, il livrera encore quelque petits joyaux, dont Vigilante dès 1981, un film d’auto-défense oppressant et désespéré qui vaut son pesant ; mais aussi l’excellent Maniac Cop en 1988 avec Bruce Campbell, mélange d’humour et de violence dont il capitalisera le succès avec deux suites plus inégales.

Benoît Thevenin

Maniac ****

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