11 fleurs (Wo 11) de Wang Xiaoshuai (2011)

Les onze fleurs du titre font références aux onze printemps du garçon héros du film. Wanh Han vit dans la province de Ghizou avec ses parents et sa soeur. La famille mène une vie simple, de travail pour les uns et d’étude pour les autres. L’équilibre de la vie de Wanh Han est perturbé lorsqu’il rencontre un homme blessé et en fuite car accusé de meurtre.

Le personnage de Wanh Han est l’alter égo du cinéaste Wang Xiaoshuai. Le cinéaste s’est inspiré de sa propre enfance pour raconter son histoire. Le récit est entièrement vu à travers les yeux d’un groupe d’enfants, Wanh Han et ses amis. Ils sont les témoins naïfs et déconnectés d’une Histoire en train de muer. La réalité historique et/ou politique de la Chine figure toujours en filigrane des films de Wang Xiasoshuai et ici, c’est le crépuscule de la Révolution culturelle chinoise que le cinéaste tisse en toile de fond.

En arrière-plan de la vie simple de ces enfants, entre petites bêtises et grand secret, quelque chose se passe qui est perceptible. Le village habituellement paisible fait face à une agitation suspecte. Il y’a d’abord la traque du meurtrier mais, surtout, une confrontation politique de moins en moins sourde. Ce sont les signes les plus visibles d’une société en train de basculer insidieusement vers autre chose. La peinture géante du président Mao, au centre du village, n’empêche pas les individus de commencer à exprimer une parole individuelle, en contradiction donc avec l’ambition collectiviste du modèle de Mao. Le meurtre n’est il pas, d’ailleurs, l’acte le plus égoïste qui soit ? Ce n’est certainement pas un hasard si, au moment ou l’ordre social commence à changer, un crime est commis.

D’autres indices s’imposent également. Wang Xiaoshuai reconstitue l’époque de son enfance par très petites touches, tel le peintre impressionniste qu’il projetait de devenir avant d’embrasser sa carrière de cinéaste. La peinture est justement là dans cette histoire pour affirmer la personnalité des individus. L’étude d’un bouquet de fleurs par un artiste est le prétexte à une comparaison. Comme les fleurs dans le vase, chaque homme est différent. Dans une autre scène, le père de Wanh Han lui apprend à regarder et analyser un tableau de Monet, Impression soleil levant. C’est là une ouverture, sur un autre monde déjà, mais pas seulement. L’analyse pousse à l’introspection, au recul, à la construction d’un point de vue personnel et original.

Le caractère très attachant des jeunes héros du film participe beaucoup à son charme. 11 fleurs ne manquera pas de séduire, et peut-être plus spécifiquement le public occidental que celui chinois. Cela ne remet toutefois pas en cause la sincérité du cinéaste, lequel livre là son film le plus personnel peut-être, avec Shanghaï Dreams dont il est le pendant direct dans sa filmographie.

On notera aussi qu’11 fleurs est le premier film à nous parvenir suite à l’accord de coproduction entre la France et la Chine signé en 2010 sous l’égide des ministres de la culture des deux pays. Le film a été produit à 65% par la Chine (Chinese Shadows et WXS Productions, la société de Wang Xiaoshuai) et à 35% par la France (Full House et Arte France Cinéma).

Benoît Thevenin

11 fleurs ***1/2

Sortie en salle le 9 mai

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