Chongqing Blues (Rizhao Chongqing) de Wang Xiaoshuai (2010)


Fer de lance du cinéma d’auteur chinois avec Jia Zhang-ke, Wang Xiaoshuai – habitué des grands festivals internationaux où il est souvent primé – débarque cette année à Cannes avec Chongqing Blues. Le film est assez typique d’une certaine idée du cinéma chinois contemporain : relativement lent et dépouillé, un peu plombant aussi, mais quand même intéressant.

Wang Xiaoshuai n’est pas le cinéaste le plus compliqué à appréhender. Ses films sont très narratifs, faciles à suivre et comprendre, et Chongqing Blues ne fait pas exception. Souvent, les films du cinéaste brassent des questions plus hautes et larges que ce que le synopsis laisse augurer. Son précédent long-métrage, Une Famille chinoise (aka In love we trust) est un mélo flamboyant, impressionnant, qui distille quelques problématiques très graves.

Chongqing Blues est plus pudique, révèle bien davantage les blessures strictement intimes des personnages sans trop en déborder. Le héros est un père de famille, marin qui a quitté femme et enfant il y a très longtemps et n’est jamais revenu. Il retourne chez lui quatorze ans après et son ex épouse lui révèle la disparition de leur seul fils. Commence alors une quête du fils par le père, pour savoir quel personne il était et ce à quoi ressemblait sa vie, les gens qu’il fréquentait, etc. Le fils est mort dans une tentative de braquage, tué par un policier alors qu’il retenait en otage une jeune femme dans la réserve d’un supermarché.

Il est alors d’abord question de la construction par le père de l’image d’un fils perdu dont il ne sait rien. Il recueille des témoignages et découvre peu à peu un lien avec ce fils qu’il ne soupçonnait pas et va le bouleverser davantage. Le film n’est pas pour autant, cette fois de la part du cinéaste, un mélo. Le personnage du père, quasiment de tous les plans, est lourdement affecté, n’exprime apparemment aucune émotion. Le père contient toute sa souffrance, ses regrets irréversibles.

L’ambiance n’est donc pas très joyeuse mais Wang Xiaoshuai dessine un beau portrait humain de ses personnages. Le film est délicat, sensible bien que sans doute trop lourdement affecté. La réalisation sobre, sans chichi, coïncide avec l’esprit du film. Ce n’est probablement pas le meilleur film de Wang Xiaoshuai, Une Famille chinoise et La Dérive avaient une ampleur et un fond peut-être plus riche encore, mais il s’agit quand même d’un très bon métrage, et qui constitue encore la preuve que Wang Xiaoshuai est un cinéaste qui compte.

Benoît Thevenin


Chongqing Blues – Note pour ce film :

Année de production : 2009

Lire aussi :

  1. Une Famille chinoise (Zuo You) de Wang Xiaoshuai (2008)
  2. 11 fleurs (Wo 11) de Wang Xiaoshuai (2011)
  3. Red Amnesia de Wang Xiaoshuai (2014)
  4. [11 Fleurs] Interview avec le réalisateur Wang Xiaoshuai
Email

Laisser une réponse