Let’s spend the night together de Hal Ashby

Quand on pense à la relation qu’entretiennent les Rolling Stones avec les cinéastes, on pense inévitablement et d’abord à Jean-Luc Godard (One + One, 1968) et Martin Scorsese, grand admirateur du groupe qui utilisa dès ses débuts au cinéma des standards des Stones, et finit en 2008 par sortir Shine a light, captation grandiose qui prouve à quel point les Stones, même vieillissants, sont géants et éternels.
On le sait moins, mais Hal Ashby, le réalisateur culte de Harold et Maud, Shampoo et En route vers la gloire, s’est lui aussi intéressé de près aux Stones. En 1981, il suit le groupe dans sa tournée pour l’album Tattoo You et réalise des captations de plusieurs concerts, en stade mais aussi en indoor.

Le film se résume simplement à un montage de plusieurs captations, dans un style qui parait maintenant particulièrement désuet tant il est devenu banal pour chaque groupe aujourd’hui  de faire immortaliser ses performance live pour vendre des DVD. Let’s spend the night together s’adresse de fait exclusivement ou presque aux fans de la musique du groupe. L’intérêt est sinon très relatif.

Hal Ashby est en 1981 arrivé à un stade ou sa carrière est derrière lui. Il ne réalisera plus que quelques films mineurs avant sa mort à la fin de l’année 1988. Le film qu’il réalise en 1981 est autant une récréation qu’il s’autorise, qu’un véritable document d’archive quand même, qui montre sur la durée d’un concert (1h30), le genre de performances que les Stones livraient en 1981. Le groupe venait alors de sortir son album Tattoo You et fêtait ses vingt ans de carrière.

Presque trente ans plus tard, Scorsese réalise sa captation avec Shine a light, et on mesure, pas forcément très bien d’ailleurs, ce qui a pu changé en autant de temps… En 1981, Mick Jagger fascine par son déhanché fantastique et qui lui est tant personnel, sa formidable énergie. En 2006 (année ou ont été filmés les deux concerts qui font Shine a light), les Stones semblent n’avoir pas pris de rides, si ce n’est sur leurs visages.

La caméra d’Hal Ashby ne quitte presque jamais des yeux la scène, à tel point qu’on pourrait presque croire qu’il s’agit là d’un concert unique et pas d’un montage de plusieurs shows . Le film débute avec Let’s spend the night together, d’ù le titre du documentaire. Mick Jagger est partout, transpire beaucoup et les chansons s’enchaînent. Ashby prend le parti de ne jamais s’intéresser au public, ni a rien d’autre que la scène. Nous n’avons qu’une vision lointaine de ce qu’il se passe dans la fosse et dans les tribunes, et il est difficile d’évaluer l’osmose entre le public et le groupe. Mick Jagger ne communique pas beaucoup, les chansons se succèdent sans pause dans le montage.

Car tout n’est pas dans le film, loin de là. Dans Life, son autobiographie parue chez Robert Laffont en 2010, Keith Richards évoque une anecdote à propos du concert

dans le stade de Tempe, Arizona, que Hal Ashby à filmé. Le guitariste explique que ce jour là, une vidéo annonçait sur les écrans géants Mick Jagger & The Rolling Stones plutôt que, comme d’ordinaire, The Rolling Stones. Richards présente cela comme une crise d’égo de la part du chanteur. La vidéo est elle invisible dans le montage de Hal Ashby.

La rivalité entre Jagger et Richards, on croit quand même la percevoir dans le film. Mick Jagger présente chacun des musiciens (Charlie Watts, Ron Wood, Bill Wyman etc.) et les fait applaudir. Quand il arrive à Keith Richards, il se retient de prononcer son nom… Certes, Keith est déjà assez légendaire pour que le murmure de la foule se fasse tout seul. Comme si Keith n’avait nul besoin d’être présenté. Le film ne tourne de toute façon qu’autour de Mick Jagger, l’oeil de la caméra s’attarde beaucoup plus rarement sur les autres membres…

Hal Ashby insère quelques très brèves images de coulisses, et abandonne la scène l’espace de deux chansons seulement.

Lors de Time is on my side, nous découvrons des images d’archive du groupe à leurs débuts dans les années60, avec notamment Brian Jones, le fondateur originel du groupe, mort noyé dans sa piscine en 69. Sont intégrées aussi de très brèves images d’archives de la guerre du Vietnam.

Lors d’une autre chanson (NDLR : pardon, je n’ai pas noté laquelle), Ashby montre une séquence accélérée, qui va de l’installation de la scène par tous les machinos et techniciens dans un stade, jusqu’à la fin du concert. Une bonne quinzaine d’heures condensées en quatre minutes et ou on prend la mesure de l’ampleur de l’organisation.

La track-list du film contient, dans le désordre et sans être exhaustif, des chansons nouvelles à l’époque comme Shattered, Beast of Burden, She’s So Cold, Hang Fire ou encore Waiting on a Friend mais aussi des standards comme Under my thumb, Time is on my side, Start Me Up, Miss You, Brown Sugar, Jumpin’ Jack Flash, Satisfaction et You can’t always get what you want.  Le film a valeur de document (avec certaine de ces chansons qui n’ont pas du être souvent captées en live par ailleurs) plus qu’il ne révèle quoi que ce soit à propos des Stones. Et il n’y a pas non plus  d’exercice de style de la part du cinéaste. Let’s spend the night together est juste fait pour ceux qui aiment écouter les Rolling Stones.

Benoît Thevenin

Lire aussi :

  1. Night and fog (Tin shui wai dik ye yu mo) d’Ann Hui (2009)
  2. La Nuit nous appartient (We own the night) de James Gray (2007)
  3. Starry Starry Night (Xing kong) de Tom Shu-Yu Lin (2011)
  4. Good Night, and Good Luck de George Clooney (2005)
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