Les Corrompus (Oyomdoen Jashik-dul) de Im Kwon-taek (1982)

Im Kwon-taek a réalisé près de cent films dans toute sa carrière. Les Corrompus n’est pas son oeuvre la plus fameuse mais affirme quand même le talent d’un cinéaste en pleine possession de ses moyens. La mise en scène des Corrompus touche parfois à l’expérimentation pure et confère au métrage dans sa globalité une réelle singularité autant qu’un potentiel de fascination indéniable.

Pyonggu (Ahn Sung-ki) est un jeune homme ambitieux qui va réussir son élévation sociale en acceptant la proposition de son patron de prendre la main de sa fille handicapée. Pyonggu fait ainsi le sacrifice de sa relation avec sa fiancée. Le coût de son mariage sera bien plus élevé encore à plus long terme…

Im Kwon-taek réalise avec Les Corrompus un film directement érotique, fétichiste même (la caméra se fixe régulièrement sur les talons et les jambes des femmes), ou la question de la perversité est centrale. Dans la scène d’ouverture, on découvre Pyonggu en train de se masturber au réveil alors qu’il observe le dessous de la jupe de son amie. C’est sa façon de se dissimuler, de rester discret à l’égard de la fille qu’il regarde, qui rend son acte illégitime.

La sexualité est centrale au film car, une fois mariée avec Myong-hui, la fille de son patron, Pyonggu se heurte à la difficulté de s’épanouir sexuellement avec elle. Myong-hui est handicapée, et leurs relations sexuelles frustrent Pyonggu. Il se laissera corrompre une nouvelle fois en couchant avec une autre femme.

Les scènes sexuelles ont toutes un réel pouvoir érotique mais fascinent surtout parce que c’est dans ces scènes là que le cinéaste laisse libre court à ses idées et ses expérimentations, avec des distorsions visuelles et sonores marquantes.

Pyonggu, s’il se laisse corrompre à plusieurs reprises et de diverses manières, est pourtant sans doute le plus innocent des personnages. Il est la principale victime de l’amoralité des autres et sa déchéance inéluctable est la dernière marque du cynisme du monde dans lequel il vit. Les personnages sont cependant stéréotypés, le scénario cousu de fil blanc, et la critique sociale ne fait absolument pas l’intérêt du film.

Les Corrompus est par ailleurs conventionnel et à tendance à traîner en longueur inutilement. Il n’en reste pas moins une bonne découverte, un film tout à fait recommandable pour se rendre compte du génie de Im Kwon-taek, immense cinéaste dont la notoriété n’est plus à faire mais qui mérite que l’on rappelle régulièrement combien il compte et est important. Ici, il n’est pas à son meilleur. Le film est clairement inégal… mais pas déplaisant pour autant. Un film moyen d’un grand cinéaste reste souvent bien plus intéressant que la moyenne des films réalisés par les sans-talent, et ça se vérifie encore.

Benoît Thevenin


Les Corrompus – Note pour ce film : ***1/2


Lire aussi :

  1. Ivres de femmes et de peinture (Chihwaseon) de Im Kwon-taek (2002)
  2. Macbeth de Béla Tarr (1982)
  3. Rapports préfabriqués (Panelkapcsolat) de Béla Tarr (1982)
  4. La Fête du feu (Chahar shanbeh souri) de Ashgar Farhadi (2006)
Email

Laisser une réponse