Katyn d’Andrzej Wajda (2008)


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En avril 1940 dans la forêt de Katyn, des milliers de polonais sont massacrés par les armées de Staline. Les charniers sont découverts un an plus tard par l’armée Nazie lors de son offensive vers le front Est, après la rupture du pacte germano-soviétique…

Katyn est le premier grand film à s’intéresser de près au massacre de Katyn, un traumatisme majeur dans l’histoire moderne de la Pologne. Andrzej Wajda, dont le père figure parmi les victimes de ce massacre, ne pouvait que s’intéresser à ce sujet, lui qui aura ausculté l’Histoire polonaise à travers chacun de ses films.

Le début du film montre une Pologne prise sous l’étau, attaquée à la fois par les soviétiques et par les nazis. La Pologne est dévastée et le peuple se déchire. Wajda revient sur ce traumatisme fondateur de l’histoire moderne de la Pologne, alors que les faits sont à peine digéré aujourd’hui.

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Il s’intéresse à la trajectoire d’une famille vite déchirée dès lors que le père est fait prisonnier par les soviétiques. Sa femme, sa fille, sa mère sa soeur, ne le reverront jamais mais elles le chercheront tant que l’espoir sera permis. Avant d’être envoyé à la mort, Andrzej écrit des lettres dans lesquels il raconte ce qu’il vit et ce qu’il voit. Ces lettres finiront toutes par parvenir à Anna, son épouse, même des années plus tard, après la guerre.

Le tabou autour du massacre s’explique par le fait que la Pologne n’a pas su reconnaître l’URSS comme la responsable de ce massacre. La Pologne n’a pas su admettre que ces charniers ont été découvert par l’ennemi Nazi ; et qu’ils auront été l’oeuvre d’une armée soviétique qui aura finalement libéré Varsovie de l’emprise Hitlérienne. Ainsi le film raconte le traumatisme de Katyn au-delà de la guerre en elle-même. Lorsque le temps de la reconstruction arrive, le poids des évènements de Katyn va encore peser lourdement sur les consciences. Il n’est pas permis de prétendre qu’un proche à été tué à Katyn. On empêche les familles de graver les pierres tombales avec la référence au massacre. On peut empêcher une embauche ou une admission à l’université sous ce prétexte là aussi.

Germany Berlin Film Festival

Le film s’achève de la manière la plus douloureuse qui soit. Wajda montre le massacre dans toute sa barbarie. Les milliers de polonais tués dans la forêt de Katyn l’ont été individuellement, les uns après les autres, d’une balle dans la tête. La mise en scène est sobre mais l’effet est malgré tout saisissant. On en vient aussi à se poser une question. Quels genre d’hommes sont ses soldats russes qui ont exécutés sommairement par centaine ces milliers de polonais ? Quels genre d’hommes étaient-ils et qu’on t’il pu devenir après la guerre ? Une telle barbarie est difficile à concevoir, alors même que d’autres guerre horribles se poursuivent aujourd’hui, parfois dans l’indifférence.

L’indifférence, elle aura aussi touché le film de Wajda, en France tout au moins. Ce maître incontestable du cinéma polonais, palmé à Cannes en 1981 pour L’Homme de fer, honoré par un Oscar d’honneur en 2000 et nommé en 2008 à l’Oscar du meilleurs film étranger, n’a toujours pas eu le privilège de voir sortir son film chez nous. La sortie à pourtant été annoncée. Mais Katyn n’a pour le moment été diffusé qu’en catimini sur Canal + le mois dernier. Wajda mérite plus d’égard, et son film aussi, car Katyn est édifiant mais hautement recommandable, essentiel même.

Benoît Thevenin

NB : l’actualité pour Wajda, c’est aussi la présentation dans quelques jours de son dernier film, Tatarak lors du festival de Berlin (5-15 février).

EDIT : Katyn bénéficie finalement d’une sortie salle grâce au distributeur Kinovista. Sortie le 1e avril 2009


Katyn – Note pour ce film :
Sortie française le 1er avril 2009

Lire aussi :

  1. Tatarak d’Andrzej Wajda (2009)
  2. Un Conte de Noël d’Arnaud Desplechin (2008)
  3. Septième ciel (Wolke 9) d’Andreas Dresen (2008)
  4. Bienvenue au cottage (The Cottage) de Paul Andrew Williams (2008)

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Aucun commentaire sur “Katyn d’Andrzej Wajda (2008)”

  1. Braun dit :

    Bonjour,
    Je suis choqué par votre assertion « la Pologne n’a pas su reconnaître l’URSS comme la responsable de ce massacre » ! Ignorez-vous que la Pologne trahie, abandonnée, par ses alliés occidentaux était sous le joug stalinien et donc des assassins ? Ignorez-vous que dès l’entrée de l’armée rouge en Pologne, la police politique soviétique (NKVD)a arrêté, exécuté,déporté des centaines de milliers de citoyens polonais et en particulier les resistants polonais ?
    Rassurez-vous, tous le polonais savaient qui avait commis les crimes de Katyn et autres endroits d’exécutions staliniennes, mais le dire vous envoyait, dans le meilleur des cas, en prison.
    En revanche j’apprécie totalement la suite de votre critique.
    Sincères salutations.

  2. Benoît Thevenin dit :

    Je suis désolé si mon propos est maladroit. Il est vrai que je ne suis pas historien même si je m’intéresse beaucoup à ces sujets, et pas qu’a travers le prisme du cinéma. Lorsque j’écris cette phrase, il faut la considérer avec ce qui suis car je ne prétend à aucun jugement moral concernant ce silence. Et effectivement, ce que vous dites rejoint en partie ce ce que j’écris et surtout ce qui constitue une large part du film : les polonais étaient pris sous un étau impossible a deserrer et qui a du provoquer bien des traumatismes pendant toutes ces années..

    Merci beaucoup pour votre intervention, précieuse et importante

    cordialement
    Benoît

  3. selenie dit :

    Quel ennui… Beaucoup de blabla, comme pour « La rafle » et consorts ses films ont déjà gagné la sympathie du public mais la mise en scène tient plus de la télé que du ciné. Bof pour moi. 1 étoile suffit.

  4. Benoît Thevenin dit :

    Ah non, je ne peux pas te laisser comparer « Katyn » à cette croute indigeste qu’est « La Rafle » !

    Je ne nie pas l’académisme du film de Wajda, mais il y a quand même une véritable mise en scène dont o s’aperçoit qu’elle a été pensée. La longue séquence finale est assez impressionnante et filmée de manière extrêmement juste.

    Et puis c’est un film intelligent et au propos pédagogique certain, au contraire de La Rafle qui est complètement béatifiant et démagogique. A tout les niveaux c’est le contraire du truc de Roselyne Bosch.

  5. Ariane dit :

    Je n’ai jamais aimé les films sur la seconde guerre mondiale. Le rôle du cinéma, pour moi, n’est pas dans le ressassement d’une période historique qui est toujours la même (39-45), et pourtant, j’ai bien aimé Katyn.
    J’ai bien aimé ce film parce qu’il parle de la Pologne, parce qu’il parle de la seconde guerre mondiale différemment et parce que ce film m’a émue, aussi.
    Je suis d’accord pour dire que la mise en scène est académique, mais il y a de grands moments et de très beaux passages.
    Je ne peux pas comparer avec La Rafle, car évidemment je me suis bien gardée d’aller le voir au cinéma…

  6. selenie dit :

    Je suis d’accord avec toi Benoit, je dis juste que que les thèmes abordés facilitent les bonnes critiques (je n’ai pas beaucoup aimé « La rafle » aussi mais nous sommes une minorité) car réveillent un inconscient collectif fort. Les qualités intrinsèques d’un film sont omises pour se focaliser sur le devoir de mémoire. Au cinéma, dans la fiction (je ne parle pas de doc) la pédagogie se rapproche souvent de la démagogie ; très vrai pour « La rafle » par exemple, un peu moins pour « Katyn »…

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