Voyage avec Haru (Haru Tono Tabi) de Masahiro Kobayashi


FICA Vesoul 2011 / En compétition

Masahiro Kobayashi devait présider le Festival des Cinémas d’Asie de Vesoul en 2008. Il en a été empêché après avoir reçu, le jour même de l’ouverture, un coup de téléphone en provenance du Japon lui annonçant le décès de son papa. Le cinéaste a voulu rendre hommage à ce père disparu, avec lequel il n’était pas en très bon rapport, en réalisant Voyage avec Haru.

Un grand-père (Nakada Tatsuya) visiblement très énervé sort avec force et fracas d’une cabane de pêcheur sur la côte japonaise. Il est poursuivi par une adolescente qui tente de le retenir et exprime ses regrets quant à une chose qu’elle lui aurait dite. Cette ouverture a quelque chose de spectaculaire et très cinématographique, très énigmatique aussi.
Le grand-père (Tadao) handicapé par une jambe folle, poursuit son chemin sur les routes. Il est déterminé, et l’adolescente continue de le suivre. On ne sait pas immédiatement vers ou ils se dirigent… mais eux même ne le savent pas vraiment non plus.

Tadao est un vieux monsieur au crépuscule de sa vie. Il a sa charge Haru, l’enfant unique de sa fille, laquelle est décédée depuis plusieurs années des suites d’une maladie. Tadao à consacré toute sa vie à la pêche du hareng, s’est enrichit par cette pêche avant de se retrouver presque sans le sous. Il va partir en quête de ses frères et de sa soeur avec qui il n’entretient plus aucun rapport depuis de nombreuses années, et dont il ne sait pas précisément ou ils vivent. Il souhaite finir sa vie auprès de l’un deux et qu’ Haru puisse se libérer de lui.

Le voyage des deux héros est l’occasion d’une tentative de réconciliation impossible. Les personnages sont tous – à l’exception de l’innocente jeune fille – des êtres que la vie à rendu détestables. Tadao est un homme solitaire et foncièrement égoïste. Il semble injuste avec Haru mais il paraitra finalement le moins pire de toute sa fratrie. Le film oscille entre douceur et grincement de dents, et révèle en filigrane une facette de la société japonaise, du sort réservé aux plus vieux d’une société justement très vieillissante.

Voyage avec Haru n’ambitionne cependant pas cette radiographie là. Le film vise plutôt à l’empathie et au rassemblement. Il ouvre sur une première rupture, une fuite en avant, et les personnages se confrontent sans cesse à des fractures irréversibles. La vraie réconciliation c’est celle qui se dessine progressivement avec Haru, une adolescente qui se sacrifie corps et âme pour son papy et qui ne voudra jamais l’abandonner. Cette relation est belle et touchante et Kobayashi de réussir son défi. En connaissant les circonstances de sa vie qui l’ont affecté quelques mois avant de débuter le tournage de ce Voyage, on devine toutes les petites choses qu’il aurait souhaité dire et montrer, sans doute, à son propre papa.

La réconciliation que Kobayashi vise là est aussi celle avec le public. Pressentiment d’amour, son précédent long-métrage – sur le même thème – primé à Locarno en 2007 par le Léopard d’Or, avait laissé beaucoup de monde à la marge et nous les premiers. Voyage avec Haru est quant à lui plus à même de séduire et toucher, par sa sensibilité, son charme et l’émotion très belle qui se dégage. Et puis aussi, c’est l’impressionnant casting qui révèle cette ambition à peine dissimuler de s’adresser à la plus large audience.
Tadao est incarné par Tatsuya Nakadai, icône du cinéma nippon, qui a beaucoup travaillé avec Akira Kurosawa (Entre le ciel et l’enfer, Kagemusha, Ran etc.), Masaki Kobayashi (La Condition de l’homme, Hara-Kiri), Hideo Gosha (Goyokin), Kihachi Okamoto (Le Sabre du mal) et quelques autres très grands noms du cinéma japonais. On retrouve également au casting Hideji Otaki ou encore Teruyuki Kagawa, que l’on à notamment vu récemment dans Tokyo Sonata (Kyoshi Kurosawa, 2008).

Benoît Thevenin


Voyage avec Haru – Note pour ce film :
Année de production : 2010


Lire aussi :

  1. The Rebirth (Ai No Yokan) de Masahiro Kobayashi (2007)
  2. Harakiri (Seppuku) de Masaki Kobayashi (1962)
  3. Rivière Noire (Kuroi Kawa) de Masaki Kobayashi (1957)
  4. [I Wish] Interview avec le réalisateur Hirokazu Kore-eda
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