[I Wish] Interview avec le réalisateur Hirokazu Kore-eda

Laterna Magica a pu rencontrer Hirokazu Kore-eda à l’occasion du Festival des Cinémas d’Asie de Vesoul. La ville se situe à moins d’une centaine de kilomètre des usines Alstom à Belfort où sont fabriqués les rames des TGV. Cette proximité géographique coïncide avec « I Wish« , une très jolie fable sur l’enfance où il est aussi question de trains à grande vitesse.  C’est un cinéaste très humble, timide même, qui a accepté de nous parler de son film.


Comment vous est venue l’idée de cette histoire ?

Il y a eu plusieurs étapes dans la génèse de ce film. C’est d’abord la compagnie de chemin de fer japonaise qui m’a proposé de faire un film à l’occasion de l’installation d’une nouvelle ligne TGV sur l’île de Kyushu. De là, je me suis dit que ce serait bien de faire un film à la fois sur les trains et sur les enfants. Depuis toujours je suis attiré par l’univers des enfants. Mon premier film documentaire parlait des enfants qui élèvent les vaches et en 2004 j’ai réalisé Nobody Knows. Depuis, sept ans ce sont écoulés et je suis devenu père. C’est pourquoi j’ai voulu faire de nouveau un film sur les enfants. J’ai organisé des auditions sans avoir déjà écrit en détail le scénario. C’est en rencontrant les enfants que j’ai cherché quels voeux ils pouvaient avoir. J’ai rencontré près de 900 enfants et ces auditions ont constitué une sorte de recherche préparatoire, à la fois pour le contenu du scénario et pour mieux connaître le fonctionnement des enfants.

Même si les films sont très différents, « Nobody Knows » et « I Wish » se ressemblent parce qu’ils laissent une grande part d’autonomie aux enfants…

C’est exact. Ce n’est pas le cas pour toutes les scènes mais souvent, j’attend avant de filmer, jusqu’à ce que les enfants jouent de leur propre initiative. C’est un peu de cette manière que j’essaie d’établir la relation avec les enfants, et du coup ils n’ont pas l’impression qu’on leur demande de jouer.

Le travail de direction d’acteur est-il très différents avec les adultes et avec les enfants ?

Les deux méthodes ne sont pas si différentes que cela. Aux enfants, je ne donne pas de scénario à l’avance et je fais avec ce qu’ils m’offrent. Avec les adultes, je travaille beaucoup autour du son, le rythme, la tonalité des voix etc. En revanche, je leur donne le scénario, mais ça ne signifie pas que je leur fait dire ce qu’il y a écrit. J’essaie de m’adapter à ce qu’il me propose. Au final, je travail à peu près de la même manière avec les adultes et avec les enfants.

Comment avez vous choisi les enfants ?

Le seul critère est que j’aie envie de travailler avec eux, à condition bien sûr que eux aient envie d’être filmés. Le plus important, comme avec les adultes, c’est de réussir à établir une relation de confiance. Les auditions que j’organise sont déjà des sortes de répétition. Je leur donne un bout de scénario à partir duquel ils doivent créer un bout de dialogue. C’est en quelque sorte un jeu et certains se révèlent plus doués que d’autre pour créer des scènes. Par exemple, pour les personnages des deux frères, j’ai demandé d’imaginer une situation s’ils devaient demander de l’argent de poche à leur père dans le but de se payer un voyage en secret. Je leur ai donné des indications, comme la possibilité de menacer le père d’aller raconter à la mère qu’il dépense son argent à la salle de jeu. Koki, qui joue le grand frère, a inventé une situation où il prenait comme prétexte auprès du père d’aller s’acheter des nouvelles chaussures de foot. Koki a su faire évoluer l’échange avec le père. En revanche, son petit frère Oshirô a tout de suite renoncé. Sa manière d’abdiquer étaient tellement charmante que ça m’a séduit. Les deux m’ont proposé des choses très différentes mais ça m’a plu et c’est comme ça que je les ai choisi.

Votre mise en scène est faite de détails, la caméra semble observer la vie qui se déroule très simplement. Est-ce que cela est du à votre expérience de documentariste ?

En partie oui, mais c’est aussi beaucoup du a mon goût pour ce type de films.

Justement, votre cinéma me fait penser à celui de Mikio Naruse…

Il est un cinéaste que j’adore

Y a t’il une part personnelle dans ce film ? Vous êtes vous inspiré des souvenirs de votre propre enfance ?

La personnalité du grand frère dans le film correspond beaucoup à celle que j’avais étant enfant. Aussi, quand je suis allé la première fois de ma vie à Kagoshima, la ville où il y a le volcan dans le film, j’avais vingt ans et j’avais alors ressentis un malaise, une incompréhension quant à cette ville. Je me demandais comment les habitants de cette ville pouvaient vivre au pied de ce volcan actif. Ce souvenir est resté gravé en moi et je me suis servi de cette expérience pour le film.

Est-ce que vous pensez déjà à un nouveau projet ?

Je commence le tournage de mon prochain film à la fin du mois de mars. Il s’agira d’une histoire entre un père et son fils. C’est une question que je me pose dans la vie réelle, comme puis-je être un bon père. Je vais réfléchir à cette question à travers ce film.

Interview réalisée à Vesoul le 23 février 2012 par Benoît Thevenin

Propos traduits du japonais par Shoko Takahashi.

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