Brothers de Jim Sheridan (2009)

Jim Sheridan en a déjà fait couler beaucoup des larmes. Le réalisateur d’Au nom du père et My Left foot, s’est un peu fait le spécialiste du film larmoyant mais délicat. In America, en 2003, le conformait… Sauf que Sheridan reste sur Réussir ou mourir, mélo-gangsta tout à la gloire de l’imbuvable Curtis Jackson. La sensibilité de Sheridan semblait voler en éclat sous les balles de l’impressionant rappeur.

Avec Brothers, Sheridan accepte une autre commande, le remake du film éponyme encore très récent de Susanne Bier, réalisé en 2006. L’original était intense et ne laissait pas indifférent quand cette nouvelle version nous laisse en revanche tout à fait insensible.


Sheridan reprend très exactement le script de Susanne Bier, à peine remanié pour coller à l’actualité politique des Etats-Unis au Moyen-Orient. Si le film ne fonctionne pas, c’est d’abord parce que le casting est complètement raté. On est navré de le dire mais Natalie Portman ne nous paraît absolument pas crédible dans son rôle de mère de famille. Tobey Maguire est en permanence dans l’excès, grossissant les yeux pour rendre compte de sa fureur paranoïaque. On ne parle même pas des enfants, simplement insupportables, stéréotypes des chérubins têtes à claques que l’on retrouve régulièrement dans le cinéma américain et qui savent tout mieux que les adultes. Finalement, le seul à s’en tirer honorablement reste encore le placide Jake Gyllenhaal. Le film est déjà plombé à cause de cette direction d’acteur.

Jim Sheridan est dans une approche presque opposée à celle de Susanne Bier, réalisant un film assez sophistiqué au niveau de sa mise en scène, mais complaisant au niveau de son émotion, qui ne rechigne jamais à surligner chaque situation affectée, ce qui est très surprenant de la part d’un tel réalisateur si habitué à aborder des sujets sensibles. Susanne Bier trouvait l’équilibre dans la véritable opposition entre les personnages, le caractère tordu de la relation entre Connie Nielsen et le frère joué par Nikolaj Lie Kaas, mais on ne ressent rien de cet ordre dans le remake. Le film nous paraît maladroit, forcé, et finit par agacer beaucoup.

On pourra toujours prétendre que le public qui n’a jamais vu le film original trouvera son compte dans l’adaptation américaine. C’est évidemment possible mais ce qui est gênant indépendamment des références que l’on peut avoir en tête, c’est de se retrouver face à un film compatissant, blindé de bons sentiments et sans grande nuance. Peut-être gagnerais-je à revoir les premiers films de Sheridan mais il m’a toujours semblé un cinéaste bien plus attentionné et délicat que ce qu’il montre avec ce film froid, sans âme, et à l’émotion presque totalement artificielle.

Benoît Thevenin

Filmographie de Jim Sheridan :

1989 : My Left Foot
1990 : The Field
1994 : Au nom du père
1998 : The Boxer
2004 : In America
2006 : Réussir ou mourir
2009 : Brothers


Brothers – Note pour ce film :
Sortie française le 3 février 2010

Lire aussi :

  1. Vengeance de Johnnie To (2009)
  2. Les Murmures du vent (Sirta la gal ba) de Shahram Alidi (2009)
  3. Amerrika (Amreeka) de Cherien Dabis (2009)
  4. Le temps qu’il reste (The Time that remains) d’Elia Suleiman (2009)
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3 commentaires sur “Brothers de Jim Sheridan (2009)”

  1. Foxart dit :

    Je trouve la fin de ton papier très honnête car tu admets que tu procèdes ici par comparaison…
    Je n’ai pas vu le film original et sans avoir vu celui ci non plus, je te trouve vachement dur, notamment avec les acteurs…
    Les quelques extraits que j’en ai vu ne m’ont pas donné ce sentiment de mis-casting…
    Notamment Tobey Maguire m’y a fait forte impression !
    J’aime les mélos, pour peu qu’ils soient efficaces (un peu comme les films comiques, ou d’horreur…lol), même si parfois le forçage de trait fait partie du jeu, particulièrement à Hollywood…
    Mais c’est vrai qu’il y a un certain dosage à ne pas dépasser, sinon le mélo deviens vite horripilant, je te l’accorde, à moins d’avoir un grand talent de mise en scène pour faire avaler la pilule, façon Eastwood, Spielberg, Sirk, etc… ce qui n’est peut-être pas le cas de Sheridan, je te l’accorde aussi, même si j’aime bien ses premiers films.

  2. Phil Siné dit :

    oh non ! je ne suis pas d’accord !!! du tout du tout du tout !!!!! mais c’est vrai aussi que je n’ai point vu le film d’origine…

  3. Si je ne suis pas d’accord pour le casting (Maguire s’en sort pas si mal, et après tout il joue quelqu’un de complètement fou sur la fin, ce qui peut autoriser un certain sujeu), pour le reste je te rejoins complètement. On se demande pourquoi certaines scènes existent car elles ne servent à rien, c’est souvent long, prévisible, trop calculé, pas assez subtil. Pas agacant pour autant mais moi qui m’attendait à un (très) bon film, je suis resorti super décu !

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