L’Enfant-cheval (Asbedopa) de Samira Makhmalbaf (2008)

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Caméra d’or à Cannes et à 20 ans à peine avec La Pomme (1998), Samira Makhmalbaf s’est imposée comme l’une des réalisatrices les plus importantes et les plus intéressantes aujourd’hui. Son nouveau-film, L’Enfant-Cheval, ne sort que dans un cercle restreint de salles, dont une seule à Paris. Le sujet est difficile, le film éprouvant, mais il est nécessaire de s’y confronter car, au-delà du choc éventuel, ce film mérite une réelle attention.

L’Iran est un territoire cinématographique qui affiche une étonnante vitalité depuis de longues années déjà. Cette surprise l’est à l’égard du régime politique en place, même si l’on sait que les dictatures et autres régimes autoritaires fabriquent malgré eux de la pensée.

Il faut être honnête, les conditions pour faire du cinéma en Iran sont aujourd’hui particulièrement difficiles, bien plus encore qu’elles ne l’étaient avant qu’Armadinejad accède au pouvoir. Il est néanmoins un réalisateur historique qui continue par son travail et son obstination de dénoncer les souffrances du peuples iranien et celles de ses voisins.

Nous avons eu la chance de rencontrer Moshen Makhmalbaf en février dernier lors du festival des Cinémas asiatiques de Vesoul. Nous avons aussi eu le privilège de voir ou revoir quelques uns de ses films, mais aussi ceux réalisés par les femmes de sa vie (son épouse Marzieh Meshkini, ses filles Hana, Samira etc.). Parmi tous ces films, L’Enfant-Cheval.

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La Makhmalbaf Film House est une société de production qui aura permis la réalisation de la quasi intégralité des films signés par un membre de la famille Makhmalbaf. La MFH prévoit aussi une école de cinéma et devrait, à mesure que les années passent, révéler de nouveaux cinéastes.

Cette longue introduction me parait nécessaire pour tenter de replacer L’Enfant-Cheval dans son contexte. La famille Makhmalbaf est exilée de Téhéran, leurs films sont trop sulfureux, trop problématiques aux yeux de la censure actuelle en Iran. Depuis près d’une décennie donc, les Makhmalbaf construisent entre eux un patrimoine cinématographique qui dissèque quasiment dans l’instant de son exécution les mouvements historiques qui agitent la région.

Les Makhmalbaf – Moshen avec Kandahar, Hana avec Le Cahier, Samira avec A 5h de l’après-midi etc.- ont élu résidence en Afghanistan. C’est du moins ce pays qui est le socle commun de l’essentiel de leurs films, avec toujours une dimension hyperbolique qui permet d’adapter les contenus de ses films au-delà des seules frontières de l’Iran.

L’Enfant-Cheval se déroule lui aussi en Afghanistan, dans une société de type féodale et traumatisée par les bombes occidentales. De nombreux enfants sont mutilés. La société s’organise donc sur ce principe féodal avec d’un côté l’exploitant et de l’autre l’opprimé.

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L’histoire que raconte Samira Makhmalbaf est douloureuse pour de multiples raisons. La première, parce qu’il est toujours difficile pour nous d’accepter de voir des enfants mutilés, la seconde parce que la réalisatrice ne fait aucun compromis avec son sujet et l’exploite jusqu’au bout. Et enfin, parce qu’au-delà de la violence du rapport psychologique entre seigneurs et exclus, une sensibilité humaniste jaillit avec une grande subtilité mais aussi une noirceur assez perturbante.

Vous aurez devinés de vous-même, par le seul titre du film, la nature du rapport d’exploitation entre les personnages. L’Enfant-Cheval est un film audacieux, qui avance crescendo, sans faille et avec une réelle méticulosité. Les ressorts psychologiques, les basculements de la raison, les faiblesses des uns et des autres, tout est parfaitement mis sur la table.

La mise en scène est a hauteur du propos, avec toujours cette importance accordée aux symboles, un héritage que Samira tient manifestement de son père. Par sa mise en scène, la réalisatrice se permet surtout de parfaire sa démonstration jusqu’au bout. La dernière partie du film peut ainsi être insoutenable pour les personnes les plus sensibles, mais ca n’enlève absolument rien de la profondeur du récit de Samira. L’enfant-Cheval ne peut pas laisser indifférent, induit un questionnement qu’il ne faut surtout pas circonscrire à cette seule histoire. La portée est bien plus large.

Benoît Thevenin


L’Enfant-Cheval – Note pour ce film :

Sortie française le 6 mai 2009


Lire aussi :

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  2. Le Cheval de Turin (A Torinói Ló) de Béla Tarr (2011)
  3. [Le Cheval de Turin] Interview du réalisateur Béla Tarr
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