Les Merveilles (Le Meraviglie) d’Alice Rohrwacher (2014)

Les Merveilles, second long-métrage d’Alice Rohrwacher après Corpo Celeste (2011), est l’un des films les plus singuliers du 67e festival de Cannes ; une oeuvre fragile, souvent fascinante, parfois maladroite, qui en tout cas laisse difficilement indifférent.

Gelsomina est l’ainée de trois soeurs. Elles vivent avec leurs parents dans une ferme délabrée en Ombrie, région du centre de l’Italie, mais c’est à elle qu’est attribué symboliquement la responsabilité de chef de la famille. L’autorité est néanmoins pleinement assurée par un père charismatique et autoritaire, chantre d’un mode de vie alternatif et d’une apiculture biologique, mais aussi prédicateur de l’apocalypse. Les filles grandissent à l’écart du monde, presque en autarcie. Quand les influences extérieures commencent à pénétrer le cadre simple et modeste de la ferme, la communauté doit affronter divers chamboulements qui menace son équilibre précaire.

La scène d’ouverture plonge immédiatement le spectateur dans une ambiance inquiétante : des phares dans la nuit, des chasseurs menaçants, une ferme qui se réveille soudain dans un climat étrange. C’est ainsi que nous faisons connaissance avec Gelsomina, ses soeurs, sa mère, son père. Les rapports entre chacun interpellent. Un simple caca aux toilettes devient une affaire collective. Entendons nous, il ne s’agit pas là de scatologie, mais d’emblée nous remarquons un esprit communautaire et de solidarité fortement ancré dans le comportement des personnages.

Le film va a contre-courant des attentes éventuelles du spectateur. La jeune Gelsomina, courageuse, timide, presque mutique, a déjà largement entamée sa mue. Elle est entre deux âges, à la fois responsable et en même temps encore une enfant rêveuse. Son parcours dans le film ne lui permettra tout à fait de s’élever et de grandir, mais plutôt de poursuivre un rêve simple qui sera pour elle une véritable expérience de vie, et la première affirmation, quand même, de son indépendance.

La réalisatrice raconte avec des moyens simples un mode de vie rustique, des personnages en rupture avec tout ce qui peut représenter le conformisme de la société consumériste, sans pour autant nier la tentation qu’elle représente. C’est ce qui fait de ces Merveilles un objet de cinéma si difficile à saisir complètement, toujours sur le fil du rasoir entre fascination et rejet, et qui fait souffler un vrai vent de fraicheur, pas seulement sur Cannes 2014 ou il a été présenté en compétition, mais sur le cinéma en général.

 

Lire aussi :

  1. Foxcatcher de Bennett Miller (2014)
  2. Alice au pays des merveilles (Alice in Wonderland) de Tim Burton (2010)
  3. Les Nouveaux sauvages (Relatos Salvajes) de Damián Szifron (2014)
  4. Saint Laurent de Bertrand Bonello (2014)
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