The Artist de Michael Hazanavicius (2011)

Promu en dernière minute en compétition pour la Palme d’Or du Festival de Cannes, The Artist représente une initiative originale et audacieuse puisque le film est entièrement muet et constitue par là même un formidable hommage à l’Hollywood des premiers temps et des premières stars. De mémoire, il faut remonter à 1999 et le Juha du finlandais Aki Kaurismäki pour trouver trace d’un projet similaire.

Michel Hazanavicius, co-auteur avec Dominique Mezerette de La Classe américaine, n’a depuis plus besoin de prouver son sens de l’humour. Il a en plus parcouru bien du chemin et réalisé ses premiers « vrais » longs-métrages. Avec OSS 117, Michel Hazanavicius n’a pas seulement cartonné au box-office, il a réussi deux comédies (Le Caire, Nid d’espions en 2006 ; Rio ne réponds plus en 2009) à la fois cultes car réellement drôles, mais aussi parfaitement stylées et oeuvres de cinéastes. Michel Hazanavicius n’est pas juste un amuseur qui se contente de poser la caméra n’importe où, son cinéma est bien plus riche que cela.
On ne s’étonne alors presque pas d’un projet comme The Artist. Il n’y avait guère que lui, en France du moins, pour oser ça. Michel Hazanavicius convoque pour l’occasion ses deux acteurs du Caire, Nid d’espions – Jean Dujardin et Bérénice Bejo – et embarque pour Hollywood. La ville du cinéma est le théâtre de l’histoire de George Valentin (Jean Dujardin), acteur star du cinéma muet à la fin des années 20. Par un concours de circonstances, une jeune et ambitieuse actrice (Bérénice Bejo) se retrouve propulsée à ses côtés.

L’initiative de ce film n’est pas seulement quasi unique en son genre, elle est aussi une formidable réussite. The Artist est un film proprement merveilleux, généreux et enjoué, drôle et attachant, et qui procure un sentiment de bonheur rare. The Artist constitue un très bel hommage au Hollywood des années 20, avec des références (pas du tout envahissantes) qui vont à Borzage, Welles ou Murnau par exemple, mais qui ne se réduit jamais, en aucun cas, a une vaine imitation du cinéma de l’époque (ce qu’avait fait Soderbergh avec The Good German concernant le cinéma des années 40, et ça n’avait aucun intérêt).

Hazanavicius respecte la grammaire cinématographique de l’époque, mais en as du détournement qu’il est, fait preuve d’assez d’inventivité pour aller au-delà, par des décalages bien sentis. Il y a des scènes irrésistiblement drôles car simples et en même temps surprenantes. On pense par exemple à la scène du verre. D’un seul coup, tous les codes sont bouleversés et par le rire on mesure le malaise de cet acteur star du muet face au tremblement de terre que représente pour lui l’arrivée du sonore dans le cinéma.

C’est en effet à cette époque charnière que l’histoire se situe. Il se retrouve ainsi dans la lignée de Chantons sous la pluie, auquel on pense inévitablement sur la fin du film. Surtout, cela permet de rappeler que jusqu’à preuve du contraire, la révolution du parlant n’a absolument aucune commune mesure avec celle supposée de l’arrivée de la 3D. Il est inutile d’y chercher là un lien, Hazanavicius ne cherche pas la parabole. Le film est autre chose : un cri d’amour à ce cinéma des années 20, une entreprise un brin nostalgique mais révérencieuse pleine d’entrain et de fantaisies.

Les acteurs sont fabuleux, et Jean Dujardin – avec sa fine moustache à la Clarke Gable –  s’impose comme une évidence bien que, quelque jours avant la projo de The Artist à Cannes, on avait vu Gad Elmaleh lui aussi fantastique dans un rôle muet – mais court – dans le film de Woody Allen. Ca ne minimise pas pour autant la performance de Dujardin, ni celle de Bérénice Bejo qui est une partenaire formidable (sans oublier Uggy l’irrésistible chien du film et à qui l’on remet sans réserve la Palme Dog). Chacun s’est manifestement impliqué à fond dans ce projet et ça se voit, peuve en est le numéro de claquettes qui conclu le film en apothéose.
Le plaisir des comédiens est largement communicatif, on sort de la salle émerveillé comme des gamins confrontés à leurs premières belles émotions. La féérie agit véritablement et on espère que le film trouvera son public, malgré les barrières qui peuvent s’opposer à certains spectateurs réfractaires aux N&B et au muet. Comme le film n’est pas tout à fait un film muet comme les autres, et comme il est malicieux et réussit, vous auriez tord de faire la moue.

Benoît Thevenin

The Artist ****

Lire aussi :

  1. Michael de Markus Schleinzer (2011)
  2. OSS 117 : Le Caire, nid d’espions de Michel Hazanavicius (2006)
  3. OSS 117, Rio ne répond plus de Michel Hazanavicius (2009)
  4. La Classe américaine de Michel Hazanavicius et Dominique Mézerette (1993)
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