Le Direktør (Direktøren for det hele) de Lars von Trier (2006)

La caméra cherche le reflet de son caméraman dans une vitre mais Lars Von Trier nous avertit, Le Direktør n’est pas un film qui réfléchit ou invite à la réflexion. Selon son auteur, en voix off, il s’agit d’une comédie innocente, réalisée dans un seul but de divertissement, qui ne revendique aucune autre ambition, surtout pas artistique, et qui rejette toute intention manipulatrice. Précisions utiles venant de la bouche de Lars von Trier…

Tout se mélange soudain lorsque le concept du film est dévoilé. Lars Von Trier semble parler du film qu’il nous propose mais dévie en fait sur la narration en elle-même. Comme quoi le film est bien plus pensé qu’il n’en a l’air. Ainsi, Lars von Trier prétend avoir embauché un acteur au chômage car trop prétentieux pour le rôle principal de ce film. En fait Jens Albinus est un fidèle collaborateur du cinéaste avec qui il a déjà tourné, notamment, Les Idiots et Dancer in the Dark.

Mais parlons plus simplement de ce Direktør… Ravn a décidé de vendre sa petite entreprise informatique. La vente est promise à un acheteur islandais lequel souhaite rencontrer le ‘directeur’ avant de finaliser l’opération financière. Ravn engage donc un acteur mégalo et au chômage car, et c’est un problème, « le directeur de tout » n’existe pas…

Ce point de départ est ainsi le prétexte à moult quiproquos. C’est souvent drôle, toujours inattendus, et c’est surtout particulièrement jouissif. Tout est en fait dans la dérision et c’est en cela que le film est, aussi, très agaçant. Ainsi, quand Lars von Trier abandonne toute ambition artistique, cela donne un montage parfois haché, probablement le fait de raccords mal établis et, surtout, des cadrages hasardeux que même un amateur n’oserait sans doute pas. Si cela marche quand même, c’est simplement parce que ce chaos est parfaitement organisé. La dérision de Lars von Trier on la retrouve aussi dans cette petite réflexion présumée innocente, faite par l’un des personnages, sur le Dogme justeùent initié par von Trier en 1995. Tout tourne également autour de cette relation entre Danois et Islandais (l’Islande a été sous domination danoise pendant quatre siècles). Lars von Trier joue évidemment de la caricature mais ces petites querelles sont délicieuses de mesquineries réciproques.

Le Direktør est la récréation que Lars von Trier s’est autorisé avant, normalement, le troisième volet de sa trilogie américaine. Entre Dogville et Manderlay, il avait déjà livré un objet confidentiel mais passionnant, Five Obstructions, coréalisé avec Jorgen Leth.

Avec Le Direktør, Lars von Trier nous en dit encore une fois beaucoup sur lui même et sa façon de travailler. Ce n’est pas un hasard si son film évoque un directeur (en Anglais, le director est le metteur en scène de cinéma). Néanmoins, le titre original de ce film reste « le directeur de tout » ce qui veut tout dire et rien dire. Von Trier s’en amuse d’ailleurs pendant le film, laissant un personnage en inventer un autre sous le titre de « directeur du directeur de tout ».

Cette récréation témoigne donc une fois encore de la volonté farouche du cinéaste danois de bouleverser les standards et les normes établies. Plus que jamais, Lars von Trier tord et travaille la matière cinématographique, réinventant, innovant sans cesse. Le Direktør n’est pas tout à fait un film expérimental, c’est même un film sans doute plus accessible au grand public que le reste de la filmo de Lars von Trier. Mais tout participe de cette idée que ce cinéaste est à part et le restera toujours. Il ne se conforme à aucune règle. Au contraire, elles le stimulent (cf Five obstructions)…

Alors Le Direktør est peut-être un film innocent mais n’en soyez pas si sûr. Le film restera mineur dans la filmographie de son auteur mais il n’y trouve pas moins une place toute naturelle.

Benoît Thevenin


Le Direktør – Note pour ce film :
Sortie française le 28 février 2007

Lire aussi :

  1. Antichrist de Lars von Trier (2008)
  2. 5 obstructions (De Fem benspænd) de Lars von Trier et Jørgen Leth (2003)
  3. Manderlay de Lars von Trier (2005)
  4. Melancholia de Lars von Trier (2011)
Email

Laisser une réponse