The Taste of tea (Cha No Aji) de Katsuhito Ishii

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Vous connaissez sans doute le travail de Katsushito Ishii, peut-être même sans le savoir. C’est en effet à lui que Quentin Tarantino a commandé le design de la fameuse séquence animée du premier volet de Kill Bill. Il a aussi réalisé un des épisodes de Animatrix. (NDLR : lire à ce sujet le commentaire laissé par Epikt)

Ce Taste of Tea est un film enchanté. Une bulle de bonheur. Une chronique familiale ou chaque personnage est confronté à une sorte de tournant dans sa vie.

Le film s’ouvre sur la course effrénée du garçon de la famille. Il pédale jusqu’à l’essoufflement pour ne pas perdre la jeune fille qu’il aime. Elle quitte ce village, probablement à tout jamais, et en train, loin. Le garçon n’a jamais eu le courage de lui confier ses sentiments. Le train traverse son front et laisse comme un tunnel qui traverse sa tête. Premier symbole d’un film plein de fantaisies, de poésie. Le réalisateur parsème ainsi son récit d’images insolites, de détails parfois absurdes (l’histoire de la crotte sur le crâne par exemple). Il se dégage ainsi un ton décalé et le charme opère.

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Dans cette famille, chacun des membres est à mi-chemin de l’accomplissement de ses rêves. Le garçon va tomber une nouvelle fois amoureux – d’une nouvelle arrivante dans son lycée – et se prendre de passion pour le jeu de Go, pour elle. Sa jeune sœur cherche à grandir et à résoudre le problème de son double géant qui la domine. La mère rêve du succès des mangas qu’elle dessine. Les oncles travaillent sur un futur tube musical et le grand père, toujours muet et déjanté, joue au guignol en permanence, proposant des postures délirantes pour inspirer sa fille dessinatrice et se prête au jeu de cache-cache avec sa petite fille etc.

The taste of tea dégage une ambiance mélancolique, douce et nostalgique. En même temps, le film est tout à fait en phase avec la modernité. Il y a ainsi cette influence du manga, que l’on retrouve dans le travail du personnage de la mère mais aussi dans le style même du film. De fait, ces incrustations du double géant de la petite fille ou le tournage particulièrement iconoclaste du clip renvoient inévitablement à cette univers du dessin japonais. On pourrait citer aussi la séquence ou un des oncles lance un caillou qu’un joueur de base-ball reçoit précisément sur la tête, ces déguisements dans le métro etc… les clins d’oeils à l’univers manga son récurrents.

Par ailleurs, les petites loufoqueries prennent un sens intensément poétique et touchant. Comme cette scène ou la fleur de tournesol grandit à n’en plus finir jusqu’à aspirer la Terre et l’Univers en entier.

Il y a alors comme une ambiance surréaliste. Au milieu des questionnements existentiels de chaque personnage, la part de rêve jaillit et prend le dessus.

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The Taste of tea est un film sur l’instant, comme en témoigne cette séquence quasiment finale, ou les membres de la famille ouvrent les cahiers dans lesquelles s’animent un instant désormais éternel de leurs vies. Car The Taste of tea est aussi un film sur l’éternité, « sur l’essence du temps et son rôle dans notre existence, sur ces entre-deux où nous ne sommes ni particulièrement actif, ni particulièrement alerte, mais qui font l’intérêt d’une vie ». (1)

Katsushito Ishii capte la vie et ses instants les plus tragi-comiques, les plus beaux, les plus inoubliables. Ces longs plans-séquences donnent un sentiment, effectivement, d’éternité et augmente la tonalité douce et mélancolique. Souvent drôle, infiniment touchant, The Taste Of Tea est un film simplement beau.

Benoît Thevenin

(1) Katzuto Takida, producteur du film.

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The Taste of tea – Note pour ce film :
Année de production : 2003
Sortie française le 20 avril 2005

Lire aussi :

  1. Le Labyrinthe des rêves (Yume no ginga) de Sogo Ishii
  2. Serbis de Brillante Mendoza (2008)
  3. La Fête de la fille morte (A festa da menina morta) de Matheus Nachtergaele (2008)
  4. Les chats persans (Kasi az gorbehaye Irani khabar Nadareh) de Bahman Ghobadi (2009)
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Aucun commentaire sur “The Taste of tea (Cha No Aji) de Katsuhito Ishii”

  1. Epikt dit :

     » C’est en effet à lui que Quentin Tarantino a commandé le design de la fameuse séquence animée du premier volet de Kill Bill. Il a aussi réalisé un des épisodes de Animatrix.  »

    Faut faire gaffe avec ça, là séquence d’animation de Kill Bill c’est un vrai casse-tête pour savoir qui a fait quoi.
    Katsuhito Ishii est crédité au générique (en simple remerciement si ma mémoire est bonne) mais il est bien probable qu’il n’ait pas fait grand chose. Car même s’il lui arrive de faire quelques crobards, Ishii n’est pas un dessinateur. Alors celui qui serait à l’origine du chara-design de la séquence (avec Sho Tajima) ça serait Takeshi Koike – qui était d’ailleurs le premier annoncé sur le projet, même si on a finalement dit que ces dessins n’avaient pas été retenus (même si le design final ressemble fort à son style).
    Takeshi Koike c’est qui ? L’éternel collaborateur de Ishii, entre autres responsable de la scène d’animation de The Taste of Tea. Et réalisateur de World Record, le segment d’Animatrix (auquel Katsuhito Ishii n’a d’ailleurs touché ni de près ni de loin).

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