Un été sans eau (Susuz yaz) de Metin Erksan (1964)

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Deux frères (Hasan et Osman) exploitent une terre d’où jaillit la source qui peut irriguer toutes les terres du villages. L’ainé (Osman) refuse que « son » eau soit détournée vers les autres cultures. Alors que l’été est particulièrement aride, il attise légitimement la colère des villageois. Son cadet (Hasan) est lui plus conciliant mais se heurte à la détermination de son grand-frère. Hasan vit parallèlement une histoire passionnelle avec la belle Bahar…

Metin Erksan fut le premier cinéaste turc à être primé dans un grand festival international. Un Eté sans eau a reçu l’Ours d’Or à Berlin en 1964. Près d’un demi-siècle plus tard, il est urgent de (re)découvrir ce trésor du patrimoine cinématographique tant il n’a pas pris une ride. Un été sans eau est imprégné du sceau de la passion et surprend au moins par l’érotisme qui s’en dégage.

Dans un premier temps, Hasan et Bahar vivent leur amour intensément jusqu’à ce qu’un drame survienne qui brisera leur complicité. Osman tue un homme et demande à son cadet de se laisser accuser à sa place au prétexte qu’il est jeune et qu’il a toute la vie devant lui. Osman est un être malfaisant, dangereux, égoïste et vicieux qui n’hésite pas assister en cachette aux ébats des deux amoureux.

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Hasan finit par être accusé à la place de son frère et dès lors Osman a le champ libre pour s’attaquer à Bahar. Le film est intéressant pour ce rapport trouble qui s’installe. Bahar ne souhaitera jamais rentrer dans le jeu d’Osman mais ce dernier ne rate aucune occasion de laisser traîner son regard sur la peau de la jeune femme. Le personnage de Bahar est fortement érotisé, elle en viendra même dans une séquence à révéler sa superbe chevelure. Nous sommes tellement habitué aujourd’hui au dogme stricte des musulmans les plus radicaux que cette vision très noble de la femme ne manque pas de nous surprendre. Bahar n’est ni une femme soumise, ni une fille légère. Elle est simplement amoureuse, travailleuse et sa dignité balance totalement avec l’extrême couardise de son beau-frère.

Le personnage d’Osman est bien plus intéressant que cette première approche peut laisser paraître. Osman n’affirme aucune solidarité vis à vis de ses collègues paysans, et de ce fait n’attire aucune sympathie, ni de leur part, ni de celle du spectateur. Sa position est pourtant plus ambigüe. Osman se réfère et la loi pour affirmer qu’il est dans son bon droit. Ils reprochent aussi à ses collègues de ne faire preuve d’aucun esprit d’entreprise. D’une certaine manière, cela légitime son avidité. Osman ne développe finalement rien d’autre qu’un comportement capitaliste ordinaire. D’ailleurs, dès la proposition faite de lui payer son eau, Osman tend l’oreille et se montre attentif. Il fallait bien évidemment commencer par là…

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Avec Bahar, Osman se révèle là aussi sous un jour peu glorieux mais pas encore totalement hors la loi. Osman flirte systématiquement avec les frontières. Il est certes fasciné par la beauté de Bahar, mais il fait quand même l’effort de réfreiner son désir. Une grande partie du film va se foclaiser sur cet enjeu là. Osman est toujours montré comme vicieux, dans une position de voyeur, mais il ne transforme jamais ses désirs en actes. Il ne tente rien contre Bahar, malgré cette tension érotique qui le tiraille à chaque instant davantage.

Le cinéaste travaille avec minutie cette lente mais intense monté du désir. Bahar n’est jamais si provoquante mais Osman supporte de moins en moins le caractère innacessible de ses charmes. Une tension surgit nécessairement, d’autant qu’Osman se révèle peu à peu inquiétant pour le spectateur, lorsqu’il calme ses pulsions en serrant un coussin ou lorsqu’il travesti un épouvantail pour faire apparaître Bahar devant lui…

Au delà de la richesse et de la subtilité de cette histoire, Un été sans eau ménage également quelques scènes très fortes qui indique davantage la maîtrise et la qualité du travail du cinéaste. Les séquences violentes sont autant de moment forts du film, notamment celle ou Osman est pris dans un guet-apen et se retrouve roué de coups, ou encore l’intense confrontation finale. Certaine séquences distillent aussi une violence qui peu choquer, notamment vis à vis d’animaux (une poule égorgée en gros plan, un chien abattu).

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Un été sans eau est un oeuvre forte à plus d’un titre et en tout cas une merveilleuse découverte.
En 2007, Martin Scorsese annonce le lancement de la Word Cinema Foundation (WCF), précieux organisme dédié à la préservation et à la restauration de chefs d’oeuvres du patrimoine mondiale devenus rares. Un Eté sans eau est l’un des premiers films à bénéficier des efforts de la WCF, laquelle à rendu le film disponible gratuitement via la plate-forme communautaire et cinéphile de The Auteurs.

A l’heure ou internet est pointé du doigt par – notamment – l’industrie du cinéma, il est des espaces paradisiaques et légaux qui se developpent et qui nous permettent de découvrir dans des versions d’excellentes qualités des films que nous n’aurions peut être jamais eu l’opportunité de voir sans une telle initiative. Nous ne saurions que vous recommander d’aller faire un tour vous aussi sur le  site de The Auteurs.

Benoît Thevenin


Un Eté sans eau – Note pour ce film :


Deux frères (Hasan et Osman) exploitent une terre d’ou jaillit la source qui peut irriguer toutes les terres du villages. L’ainé (Osman) refuse que « son » eau soit détournée vers les autres cultures. Alors que l’été est particulièrement aride, il attise légitimement la colère des villageois. Son cadet (Hasan) est lui plus conciliant mais se heurte à la détermination de son grand-frère. Hasan vit parallèlement une histoire passionnelle avec la belle Bahar…

Metin Erksan fut le premier cinéaste turc à être primé dans un grand festival international. Un Ete sans eau a reçu le Lion d’Or à Berlin en 1964. Près d’un demi-siècle plus tard, il est urgent de (re)découvrir ce trésor du patrimoine cinématographique tant il n’a pas pris une ride. Un été sans eau est impregnée du sceau de la passion et surprend au moins par l’érotisme qui s’en dégage. Dans un premier temps, Hasan et Bahar vivent leur amour intensément jusqu’à ce qu’un drame survienne qui brisera leur complicité. Osman tue un homme et demande à son cadet de se laisser accuser à sa place au prétexte qu’il est jeune et qu’il a toute la vie devant lui. Osman est un être malfaisant, dangereux, égoïste et vicieux qui n’hésite pas assister en cachette aux ébats des deux amoureux.

Hasan finit par être accusé à la place de son frère et dès lors Osman a le champ libre pour s’attaquer à Bahar. Le film est intéressant pour ce rapport trouble qui s’installe. Bahar ne souhaitera jamais rentrer dans le jeu d’Osman mais ce dernier ne rate aucune occasion de laisser traîner son regard sur la peau de la jeune femme. Le personnage de Bahar est fortement érotisé, elle en viendra même dans une séquence à révéler sa superbe chevelure. Nous sommes tellement habitué aujourd’hui au dogme stricte des musulmans les plus radicaux que cette vision très noble de la femme ne manque pas de nous surprendre. Bahar n’est ni une femme soumise, ni une fille légère. Elle est simplement amoureuse, travailleuse et sa dignité balance totalement avec l’extrême couardise de son beau-frère.

Le personnage d’Osman est bien plus intéressant que cette première approche peut laisser paraître. Osman n’affirme aucune solidarité vis à vis de ses collègues paysans, et de ce fait n’attire aucune sympathie, ni de leur part, ni de celle du spectateur. Sa position est pourtant plus ambigüe. Osman se réfère et la loi pour affirmer qu’il est dans son bon droit. Ils reprochent aussi à ses collgues de ne faire preuve d’aucun esprit d’entreprise. D’une certaine manière, celà légitime son avidité. Osman ne dévellope finalement rien d’autre qu’un comportement capitaliste ordinaire. D’ailleurs, dès la proposition faite de lui payer son eau, Osman tend l’oreille et se montre attentif. Il fallait bie évidemment commencer par là…
Avec Bahar, Osman se révèle là aussi sous un jour peu glorieux mais pas encore totalement hors la loi. Osman flirte systématiquement avec les frontières. Il est certes fasciné par la beauté de Bahar, mais il fait quand même l’effort de réfreiner son désir. Une grande partie du film va se foclaiser sur cet enjeu là. Osman est toujours montré comme vicieux, dans une position de voyeur, mais il ne transforme jamais ses désirs en actes. Il ne tente rien contre Bahar, malgré cette tension érotique qui le tiraille à chaque instant davantage.

Le cinéaste travaille avec minutie cette lente mais intense monté du désir. Bahar n’est jamais si provoquante mais Osman supporte de moins en moins le caractère innacessible de ses charmes. Une tension surgit nécessairement, d’autant qu’Osman se révèle peu à peu inquiétant pour le spectateur, lorsqu’il calme ses pulsions en serrant un coussin ou lorsqu’il travesti un épouvantail pour faire apparaître Bahar devant lui…

Au delà de la richesse et de la subtilité de cette histoire, Un été sans eau ménage également quelques scènes très fortes qui indique davantage la maîtrise et la qualité du travail du cinéaste. Les séquences violentes sont autant de moment forts du film, notamment celle ou Osman est pris dans un guet-apen et se retrouve roué de coups, ou encore l’intense confrontation finale. Certaine séquences distillent aussi une violence qui peu choquer, notamment vis à vis d’animaux (une poule égorgée en gros plan, un chien abattu).

Un été sans eau est un oeuvre forte à plus d’un titre et en tout cas une merveilleuse découverte.
En 2007, Martin Scorsese annonce le lancement de la Word Cinema Foundation (WCF), précieux organisme dédié à la préservation et à la restauration de chef d’oeuvres du patrimoine mondiale devenus rares. Un Eté sans eau du cinéaste turc Metin Erksan, est l’un des premiers films à bénéficier des efforts de la WCF, laquelle à rendu le film disponible gratuitement via la plate-forme communautaire et cinéphile de The Auteurs.

A l’heure ou internet est pointé du doigt par – notamment – l’industrie du cinéma, il est des espaces paridisiaques et legaux qui se developpent et qui nous permettent de découvrir dans des versions d’excellentes qualités des films que nous n’aurions peut être jamais eu l’opportunité de voir sans une telle initiative. Nous ne saurions que vous recommender d’aller faire un tour vous aussi sur le  site de The Auteurs.

Lire aussi :

  1. Le Journal d’une femme de chambre de Luis Buñuel (1964)
  2. Un monde sans femmes de Guillaume Brac (2011)
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