Valse avec Bashir (Waltz with Bashir) d’Ari Folman (2008)

En 1982, Tsahal, l’armée israélienne mène dans les territoires de Cisjordanie et de Gaza une politique d’occupation très brutale : villes bloquées, destructions de biens, assassinats ciblés… Les 16 et 17 septembre 1982, les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila au Liban, à l’ouest de Beyrouth, sont visés par des milices libannaises et sous l’oeil complice des forces armées israéliennes.

25 ans plus tard, Ari, un cinéaste israélien, prend conscience qu’il a effacé de sa mémoire les souvenirs de sa participation aux exactions israéliennes commises au Liban. Comme des millions de jeunes israéliens, vingt cinq ans auparavant, Ari était mobilisé dans le cadre de son service militaire. Désormais, il veut se souvenir de ce qui s’est passé, de ce qu’il a fait lui même, en septembre 1982, lors des massacres de Sabra et Chatila. Caméra au poing, il parcoure le monde à la recherche de ses anciens camarades de régiments, dans l’espoir de redéfinir sa propre responsabilité dans ces évènements.

Valse avec Bashir se nourrit de toutes les contradictions possibles pour fournir un témoignages audacieux, lucide et bouleversant sur un drame impardonnable et commis au nom d’une démocratie. Valse avec Bashir est une sorte de documentaire. Parce que Folman cherche et trouve des témoins, qu’il les interroge. Mais Valse avec Bashir a la forme d’un film d’animation. On se demande en fait comment ce curieux parti pris n’a jamais été pensé auparavant. Le graphisme est en plus somptueux, très bande-dessinée et très proche du style du jeu vidéo XIII sorti il y a plusieurs années, notamment sur PS2.

Ari Folman traite son sujet avec la pudeur qui est nécessaire. Il a été acteur des massacres mais ses souvenirs sont trop flous pour être honnêtes. Le sujet est aussi bien trop grave pour que l’on manipule d’une quelconque façon l’objectivité des faits tels qu’ils sont décrit aujourd’hui par les historiens en charge de la question. Ari Folman a comme un besoin d’apaiser son âme, de régler ses comptes avec sa conscience. Puisque sa mémoire est vaporeuse, les souvenirs qui lui reviennent ne sont que des émanations. Ari Folman choisit donc de conduire sa quête sur un mode onirique. La musique rock qui berce le film donne aussi cette impression de décalage constant. Le film se construit – on l’a dit – par contradictions. Le résultat est spectaculaire, bouleversant, terriblement humaniste. Le danger est que l’on en oublie, par cette combinaison qu’il y a entre animation et onirisme, que cette histoire est grave et authentique. Heureusement, les dernières images nous ramènent à la réalité des faits, leurs brutalité et leurs trivialité.

La valse dont il est question est celle des palestiniens face aux balles, celle des soldats dansant en fusillant le ciel dans une séquence incroyable. Valse avec Bashir évoque une histoire très précise mais la portée du film dépasse clairement ce cadre là. On écrivait plus haut, et très cruellement, le mot « trivialité, » tant les images de guerres ont parfois tendances à devenir ordinaires. Seuls les visages changent, les souffrances sont elles identiques. Les dommages collatéraux aussi, et vecteurs de bien des problèmes, moraux notamment.

La simple évocation, dans les premières minutes du film, des tourments d’Ari donne d’une certaine manière le La d’une démarche avec laquelle on comprend que si il y a peu être d’un côté les bons et les méchants, tous ont en fait perdu.

Valse avec Bashir était tellement au-dessus des autres films de Cannes 2008, tant émotionellement, qu’artistiquement, qu’intellectuellement, ou pour sa force humaniste ou l’originalité de sa forme, qu’il n’a pas eu de Palme. Il n’en avait peut-être pas besoin, le film était hors concours, vraiment très haut au-dessus de tous les autres films. Si ça doit le dispenser d’une telle reconnaissance cinéphile – pour rester ironique – la qualité du film est en revanche suffisante pour convaincre chacun d’aller danser 1h20 avec Bashir. Le film est une sorte d’expérience. Vous en sortirez indemne, soyez en sûrs, mais vous réfléchirez sans doute dans le bon sens et serez inévitablement touchés. Bashir à été oublié de Cannes et Cannes a eu tord. Sean Penn s’est trompé. Prouvez le et donnez lui tord.

Benoît Thevenin


Valse avec Bachir – Note pour ce film :

Sortie française le 25 juin 2008


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Aucun commentaire sur “Valse avec Bashir (Waltz with Bashir) d’Ari Folman (2008)”

  1. felia dit :

    belle critique mais qui laisse complètement de côté le prb posé par la fin…
    m’a laissé le même malaise que la mort de Bjork dans le film de lars von trier dont le nom actuellment ne me revient plus

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