Rapt de Lucas Belvaux (2009)

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Largement inspiré et  jusque dans de nombreux détails par l’affaire de l’enlèvement du Baron Edouard-Jean Empain, homme d’affaire et PDG du groupe Empain-Schneider à la fin des années 70, Rapt est adapté à notre contexte actuel.

Réalisateur de La Raison du plus faible et parce qu’on le sait de toute façon, au-delà de ce seul film, sensible aux questions sociales, on croit deviner un instant que les implications générées par cet  enlèvement auront à mesure que le film se déroule un véritable impact social. Ce n’est pas le cas, Lucas Belvaux s’intéresse en premier lieu au fait divers et à la trajectoire personnelle de la victime, sans chercher à construire un discours idéologique quelconque.

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Dans le film, la victime s’appelle Stanislas Graff (Yvan Attal). Il est un puissant industriel, influant auprès des pouvoirs politiques, et qui s’apprête à voyager avec le Président de la République en Chine. Un matin, alors qu’il se rend à son bureau au siège de son entreprise, il est pris dans un guet-apens avenue Foch, est enlevé puis séquestré. L’opération n’a aucune visée politique. Les kidnappeurs n’ont que des motivations crapuleuses. Ces derniers vont rapidement démontrer qu’ils ne font pas ça pour plaisanter. Stan est sérieusement malmené, traité littéralement comme un chien, mais répond par une attitude la plus digne possible.

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Ce qui va être au coeur du récit et va véritablement nous passionner, c’est ce qui va se dérouler à l’extérieur de la geôle de Stanislas. Plusieurs sphères se confrontent pour ce qui est de la gestion de l’enquête. D’un côté, la police qui effectue son travail selon ses méthodes traditionnelles. De l’autre la famille, l’épouse en premier chef (Anne Consigny), qui est sceptique par rapport à ces méthodes et s’en remet à son avocat (Alex Descas). Entre eux, la pression politique, médiatique et, surtout, le comité directeur de l’entreprise, forcé d’assurer la bonne gestion du groupe…

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Cet entremêlement ne va pas favoriser la sérénité d’une affaire sensible, d’autant que certains secrets vont être révélés par les médias. Le grand public découvre un PDG loin d’être irréprochable en privé, qui dilapide de l’argent lors de ses nuits de poker, et qui accumule les maîtresses. Son image va être sérieusement écornée pendant sa captivité, même si son entourage immédiat essaye d’encaisser sans broncher.

Si l’image de Stanislas est autant salie c’est parce que confusion est faite entre sa gestion du compte de l’entreprise et son porte-feuille personnel. Son train de vie paraît indécent, alors que ses salariés souffrent. Le comité directeur est obligé de prendre rapidement des mesures pragmatiques afin de déminer les discussions avec les syndicats et surtout d’assurer la bonne continuation du groupe. De fait, cette froide gestion révèle un certain cynisme, complexe et imparable.

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Récit aux multiples ressors, Rapt captive vraiment, se déroule sans temps mort et finit par nous émouvoir. Lucas Belvaux fait preuve d’une belle habileté et reconstruit l’histoire du Baron-Empain avec précision et une grande efficacité.

Dans la dernière partie, Rapt rappelle Seule au monde de Robert Zemeckis par le difficile retour à la civilisation du héros, et révèle l’insupportable pression exercée par la société contre un homme qui a cru que sa vie était finie. Le film est à ce moment d’autant plus fort, qui traduit le décalage né de cette tragédie. On ne trahit rien, puisque l’histoire du Baron Empain est connue. Stan est perdu, ne comprend pas l’attitude de la police et de la justice, simplement pragmatique mais qui par là même nie le besoin compassionnel de la victime. Il ne comprend pas non plus sa famille, dont il ne mesure pas ce que eux aussi ont endurés, d’autant que sa trahison à leur égard aura été étalée au grand jour. Lucas Belvaux réussit à rendre compte de toutes ces contradictions sans sacrifier aucun personnage, sans en juger un seul. L’équilibre n’était pas si évident à tenir, on peut largement le saluer.

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En tout cas, Lucas Belvaux démontre un peu plus à chaque film à quel point il est un cinéaste précieux. La seule réserve, qui n’en est pas vraiment une, tient à la direction d’acteur assez particulière. Les comédiens sont tous très bons individuellement mais on a l’impression qu’ils ont du mal à jouer ensemble. Mais cela tient très probablement à la grande retenue que chaque personnage respecte du fait de la sensibilité de l’affaire. Rapt est une vraie réussite, un film haletant et passionnant qui confirme le talent de son cinéaste.

Benoît Thevenin


Rapt – Note pour ce film :
Sortie française le 18 novembre 2009

Lire aussi :

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  2. La Raison du plus faible de Lucas Belvaux (2006)
  3. Vengeance de Johnnie To (2009)
  4. Here de Ho Tzu Nyen (2009)
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Aucun commentaire sur “Rapt de Lucas Belvaux (2009)”

  1. benoit dit :

    Assez décevant pour ma part, j’attendais bien mieux de l’auteur de « la raison du plus faible ».

  2. Cactus dit :

    un doigt coupe faim ? que non , que non !
    perso j’ai admiré le travail d’acteur de Yvan Attal !

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