Bienvenue chez les Ch’tis de Dany Boon

Alpe d’Huez 2008/Prix spécial du jury

C’est un véritable phénomène de société. Bienvenue chez les Ch’tis pulvérise un à un tous les records du box office national. Même l’aviron du Titanic semble à portée de recettes et déjà, on se dit que même le monumental Indiana Jones n’arrivera jamais dans sa quatrième aventure à détrôner cette année le film de Dany Boon. Faut-il forcément s’en réjouir ? En fait non. On ne souhaite pas vraiment jouer la carte des rabats joie de service mais voila, Bienvenue chez les Ch’tis fait aussi du mal à ceux qui aiment le cinéma. Dany Boon est excusé, son film fait du bien à la France entière et c’est quand même ça qui importe le plus. Le ton se cette critique sera néanmoins volontairement polémique et le débat sera lancé…

Bienvenue chez les Ch’tis est éminemment sincère et jovial. On ne peut rien nier du caractère sympathique du film, de la bonne humeur qu’il suscite, du côté humain vers lequel il bascule. Le film contrebalance admirablement avec le récent Paris de Klapisch. Le caractère franchouillard, libre et naïf du long-métrage de Dany Boon s’oppose à la tonalité beaucoup plus sérieuse et mélancolique du film de Klapisch. Une capitale sinitre face à une campagne plus sereine ? Le raccourcis est peu évident, facile a démonter probablement, mais il y a quelque chose de cet ordre là. Paris est sans doute une ville trop sérieuse.

Dans Bienvenue chez les Ch’tis, on rit de bon coeur, dans trois séquences en particulier (le caméo instantanément culte de Galabru, le « les meubles, c’était les ch’iens » et le « j’appelle et je vous dit quoi »), même si les occasions de rire et de sourire sont nombreuses par ailleurs. Dany Boon s’amuse des clichés qui collent à l’image du Nord, et visiblement ça marche. Line Renaud, les petits rôles de Patrick Bosso et Stéphane Freiss sont assez savoureux, et le duo Kad Merad/Danny Boon fonctionne plutôt bien.

Voilà, avec tout ça, tout est dit. On comprend que le film séduise. Bienvenue chez les Ch’tis est un film modeste, gentil, proche des gens et qui ne prend en otage aucune catégorie de la population. Le succès du film se mesure probablement à toutes ces qualités là.

Mais prenons aussi le contre-point forcément très peu populaire qui incite à trouver aussi ce film consternant. Point de vue radical mais qui mérite d’être exposé. Bienvenue chez les Ch’tis s’inscrit dans une tradition très française du cinéma comique depuis Gérard Oury. En clair, il n’y a dans ce film aucune ambition cinématographique, une authentique médiocrité technique, qui sont le cauchemard du cinéma français depuis 30 ou 40 ans. Le cinéma français recycle avec ce film ses stéréotypes de la comédie franchouillarde. C’est noble, le public peut être ravi de bénéficier de ça, il n’est jamais mauvais de rire et les gens n’attendent d’ailleurs rien d’autre d’une comédie qu’elle les fasse rire. Mais ce qui déçoit c’est donc cette absence totale d’envie de faire du cinéma, d’utiliser les moyens du cinéma.

Depuis Louis de Funès ou Bourvil, le cinéma français, et le cinéma comique français en particulier, a abandonné toute idée de produire de la mise en scène. Le cinéma ce n’est pas que du dialogue, c’est aussi de l’image. Chez Oury comme chez Dany Boon aujourd’hui, l’image ne vaut pas le grand écran, l’image est aussi peu inspirée que les pires téléfilms de TF1. Bienvenue chez les ch’tis ratisse large car il est humble, consensuel et efficace au niveau de l’hilarité. Ce qui est alors désespérant, c’est qu’aucune voix, ou si peu, ne s’élève pour exiger des réalisateurs qu’ils ne se contentent pas de nous faire rire, mais qu’ils prennent à bras le corps l’idée même de réaliser un film. Les américains l’ont toujours fait via quelques unes de leurs plus grandes signatures. Le cinéma français se refuse à ça. Le public est alors conditionné par ces principes sans doute inconscients.

Bienvenue chez les Ch’tis est en train de marquer l’histoire du cinéma français et donc de devenir un modèle pour l’avenir. A court terme, on nous recyclera en beaucoup moins bien des films beaucoup moins sincères fonctionnant sur un principe comique similaire. A moyen terme, une suite est fatalement envisageable mais qui a toutes les chances de ne pas surprendre autant.  A long terme, on continuera encore et toujours à produire des films sans aucune ambition de cinéma mais qui auront la prétention de vouloir faire rire, faisant perdurer un système vicieux ou l’idée de cinéma est quasi morte-née.

Alors certes, Bienvenue chez les chtis est un film agréable, qui procure du bien aux gens, et on ne peut que le louer pour ça. Le reste, tout le monde ou presque s’en moque. C’est tout le problème. Bienvenue chez les ch’tis est du côté du public et pas du cinéma. Mais nous ici qui sommes du côté du cinéma, qui admirons d’abord l’audace et le courage de certains cinéastes, qui adorons adorer des films qui plaisent à tous les publics, nous ne pouvons pas nous empêcher d’être du côté du cinéma. Bienvenue chez les ch’tis ne s’invite pas dans notre cour et étant donné l’ampleur du succès du film, nous trouvons ça vraiment dommage.

Benoît Thevenin

Les chiffres du Box office pour « Bienvenue chez les Ch’tis »

Semaine 0 (du 20/02 au 26/02/2008) : 0 555 392 spectateurs (*)

Semaine 1 (du 27/02 au 04/03/2008) : 4 378 720 spectateurs (05 014 229 cumulés)

Semaine 2 (du 05/03 au 11/03/2008) : 3 940 634 spectateurs (08 954 863 cumulés)

Semaine 3 (du 12/03 au 18/03/2008) : 3 637 899 spectateurs (12 592 762 cumulés)

Semaine 4 (du 19/03 au 25/03/2008) : 2 720 713 spectateurs (15 313 475 cumulés)

Semaine 5 (du 26/03 au 01/04/2008) : 1 386 646 spectateurs (16 700 121 cumulés)

Semaine 6 (du 02/04 au 08/04/2008) : 945 011 spectateurs (17 645 132 cumulés)

Semaine 7 (du 09/04 au 15/04/2008) : 921 791 spectateurs (18 566 923 cumulés)

Semaine 8 (du 16/04 au 22/04/2008) : 685 392 spectateurs (19 252 315 cumulés)

Semaine 9 (du 23/04 au 29/04/2008) : 307 528 spectateurs (19 559 843 cumulés)

Semaine 10 (du 30/04 au 06/05/2008) : 186 616 spectateurs (19 746 459 cumulés)

Semaine 11 (du 07/05 au 13/05/2008) : 156 427 spectateurs (19 902 886 cumulés)

Semaine 12 (du 14/05 au 20/05/2008) : 102 321 spectateurs (20 005207 cumulés)

Semaine 13 (du 21/05 au 27/05/2008) : 071 929 spectateurs (20 077 136 cumulés)

Semaine 14 (du 28/05 au 03/06/2008) : 066 143 spectateurs (20 143 279 cumulés)

Semaine 15 (du 04/06 au 10/06/2008) : 038 145 spectateurs (20 181 424 cumulés)

Semaine 16 (du 11/06 au 17/06/2008) : 025 641 spectateurs (20 207 065 cumulés)

Semaine 17 (du 18/06 au 24/06/2008) : 015 748 spectateurs (20 222 813 cumulés)

Semaine 18 (du 25/06 au 01/07/2008) : 038 162 spectateurs (20 260 975 cumulés)

(*) : Le film est sorti dans le Nord une semaine avant sa sortie nationale. La semaine 0 présente les chiffres d’exploitation du film lors de cette exclusivité pour les spectateurs du Nord.


Bienvenue chez les Ch’tis – Note pour ce film : Sortie nationale le 27 février 2008


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  1. Bienvenue chez les ch’tites coquines de Fabien Lafait (2009)
  2. Bienvenue au cottage (The Cottage) de Paul Andrew Williams (2008)
  3. Bienvenue à Gattaca (Gattaca) d’Andrew Niccol (1997)
  4. Fétichisme chez Truffaut
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