Stella de Sylvie Verheyde (2008)

1977. Stella rentre en 6e dans un lycée parisien vers lequel elle n’était a priori pas prédestinée. Un « lycée de riches », soit disant, pour une fille de patron de bar. Stella a 12 ans, n’a d’amis que les pilliers de bars qu’elle retrouve le soir à la sortie de l’école. Stella est une petite fille sage et attachante. Elle se lie d’amitié avec une fille de sa classe, tellement plus qu’elle : plus ouverte sur les autres, plus riche, meilleure à l’école. Malgré toutes ses difficutés, malgré un contexte familial lourd, Stella ne se résigne pas, ne jalouse pas son amie mais on contraire y trouve le modèle sur lequel s’appuyer.

Cinéaste discrète, Sylvie Verheyde sublime ici tout le bien que l’on pensait de son travail. Il y a presque dix ans, en 1997, elle se révélait avec Un Frère, très beau premier film dans lequel on trouve déjà là en gestation tout ce qui fait le charme de Stella : une famille de comédiens qui se compose dans cet univers singulier, une caméra discrète et légère, une pudeur mélancolique, des choix musicaux assez bouleversants… Avait suivi en 2000, Princesses, film déjà plus inégal et donc décevant. On avait ensuite quelque peu perdu de vue Sylvie Verheyde… jusqu’à cette année (1).

En mai dernier, nous découvrions Sang froid, téléfilm réalisé pour Arte dans lequel était notamment réunis, aux côtés de Laura Smet, Stomy Bugsy et Benjamin Biolay, deux artistes d’abord chanteurs et qu’a priori tout sépare. Sang froid aura marqué le retour de Sylvie Verheyde. On y reconnaissait la sensibilité entrevue jusqu’alors dans ses films.

Arrive Stella, chronique douce-amer d’une année charnière de la vie d’une enfant déjà adulte dans sa tête. On se doute vite des accents autobiographiques de cette histoire et cela renforce peut-être l’affect pour ce film. Stella est timide, un peu naïve par rapport au système scolaire, mais doté d’un caractère bien trempé. Stella a grandit au milieu des piliers de bars, sert des demis en rentrant de l’école. On pourrait la croire déjà déterminée socialement mais ce serait balayer d’un revers de la main la chance offerte par l’école.

Stella est une enfant en difficulté, qui n’est pas préparée aux études dans ce collège. Elle est larguée mais s’accroche tant qu’elle peu, se lie d’amitié avec une fille qui va l’aider, sans doute inconsciemment. Le film se construit comme cela, avec beaucoup de légèreté malgré un contexte familial tendu. L’innocence de cette enfant ne sera pas longtemps préservée mais c’est tout de même avec son regard de petite fille que l’on voit le film. On a donc beaucoup de tendresse pour chacun des personnages, pour ce père fragile et paumé (Benjamin Biolay), pour cette mère adultère qui lutte (Karole Rocher), pour ces quelques habituées du bars que l’on devine plus ou moins marginaux (Guillaume Depardieu, Jeannick Gravelines)…

La trajectoire empruntée par Stella alterne selon un savant mélange, sourires et gravité. La vie est faite de heurts pour tout le monde, et Stella n’est pas une privilégiée. Au contraire, elle se bat avec ses moyens, trouve refuge à ses craintes dans les livres, se fait de Marguerite Duras une sorte d’ainée qui la guide etc. Stella ne devra jamais rien à personne et c’est aussi ça qui fait que ce personnage est si beau.

Le film lui-même est une ode magnifique ; à l’école notamment, à ces vertus si souvent décriées ces dernières années. On ne note aucun excès de sensiblerie, c’est même tout le contraire. Le film est juste ; juste par rapport à la distance opérée par rapport aux instants clés de la narration, juste par ses choix musicaux (des standards de l’époque mêlés à des mélodies plus douces, notamment la superbe chanson finale chantée par la réalisatrice elle-même), juste par la direction des acteurs. La jeune Léora Barbara dans le rôle de Stella et à ce titre une magnifique découverte. On reconnaît presque en elle, dans les expressions de son visage, dans sa fragilité toute relative, l’actrice anglaise Rose Byrne (héroïne notamment de la série Damages). Les autres acteurs sont tous magnifiques. Il y a les habitués de cet univers de Sylvie Verheyde : Karole Rocher, la mère, déjà vue dans Un Frère et Princesses ; idem pour Jeannick Gravelines ; Benjamin Biolay, le père, dirigé lui dans Sang-froid. Et puis il y a Guillaume Depardieu, dans l’un de ses derniers rôles, et qui habite son personnage et l’écran comme à son habitude. Ses choix de films ces dernières années (Ne Touchez pas la hache, La France, Versailles, De la Guerre, Stella…) auront toujours été précieux. Il va donc beaucoup nous manquer.

Benoît Thevenin

(1) Sylvie Verheyde à cependant réalisé le téléfilm Un Amour de femme en 2005 (avec Anthony Delon et Hélène Fillières). Elle est aussi la scénariste de Scorpion de Julien Seri (avec Karole Rocher). Elle chante par ailleurs, et très bien, comme le prouve la Chanson de Stella entendu en générique de fin du film.


Stella – Note pour ce film :

Sortie française le 12 novembre 2008


Lire aussi :

  1. Décès de l’acteur Guillaume Depardieu (1971 – 2008)
  2. Leonera de Pablo Trapero (2008)
  3. The Eye de Xavier Palud et David Moreau (2008)
  4. Afterschool d’Antonio Campos (2008)
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Aucun commentaire sur “Stella de Sylvie Verheyde (2008)”

  1. jade dit :

    De Sylvie Verheyde je n’avais rien vu, mais j’ai été séduite par ce film, son authenticité, celle de l’histoire, celle de la reconstitution des années 70 très réussie, celle des comédiens,Bejamin Biolay inattendu dans ce rôle, l’émouvant Guillaume, Karole Rocher tellement vraie, sans oublier la formidable Léora.On parle peu de ce film dans les blogs, c’est dommage !

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