Afterschool d’Antonio Campos (2008)

Les premières images sont saisissantes – toutes glanées sur la toile – et mélangées sans discernement : la pendaison de Saddam Hussein, des corps mutilés, un girlfight dans un couloir de lycée, un chat joueur de piano ou encore le début d’une vidéo porno dans laquelle la fille se fait salement humiliée. Ce programme, c’est celui d’un ado propre sur lui, spectateur attentif des succès du web.

Le ton est vite donné. Afterschool mélangera pendant près de deux heures images youtubisantes et point de vue du cinéaste. Un point de vue bien particulier avec un zoom à bloc et une caméra qui cherche constamment ses personnages, quitte à les cadrer maladroitement. Tout l’enjeux du film est là, d’abord là : comment une action plus ou moins anodine se retrouve soudain mise en ligne sur le net ? Cette instantanéité n’est pas neuve mais elle fait ici assez froid dans le dos tant elle se confronte à des évènements graves.

Afterschool suit une bande d’ado pensionnaires d’un petit lycée américain bon chic bon genre. Les élèves les plus sages se masturbent devant des vidéos pornos dans leurs chambres, d’autres dealent de la cocaïne. Une chronique finalement très ordinaire ou l’on observe également certains élèves recopier leurs devoirs avant d’entrer en classe ou encore reluquer l’entre-cuisse et le décolleté de leur belle prof de littérature.

Dans la première demi-heure, il est aussi beaucoup questions de deux soeurs jumelles. Elles fascinent l’ensemble du lycée mais leur présence – constante – est fantomatique, vaporeuse. Lorsqu’on les voit, elles sont à l’arrière plan du cadre, elles sont lointaines ou passent rapidement devant la caméra. Comme les soeurs Lisbon de Virgin Suicides, elles sont belles, mystérieuses et inaccessibles. Un évènement grave concernant les deux soeurs va perturber durablement l’équilibre de la vie de ce lycée.

Antonio Campos livre avec Afterschool une étude quasi clinique de la vie de lycée et, plus encore, du rapport à l’image qu’entretiennent ici les élèves. L’exercise est brillant tant le dispositif mis en place par le cinéaste est aboutit. La stylisation est extrême mais pudique et se noie en plus dans un montage intelligent. Afterschool ressemble par certains aspects à 2h37, l’abominable film australien de Muralli Thalluri, lui-même largement inspiré par l’Elephant de Gus Van Sant. Antonio Campos se démarque admirablement de ces deux exemples. Afterschool est la promesse d’un grand talent. Antonio Campos a d’ailleurs déjà été primé à Cannes en 2005 (pour son film Buy it now) par le prix du court-métrage de la Cinéfondation.

B.T


Afterschool – Note pour ce film :
Sortie française le 1er octobre 2008


Lire aussi :

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