Baisers volés de François Truffaut (1968)

A la fin de l’année 67, François Truffaut traverse une période difficile, entre échecs sentimentaux, un cycle artistique sous la forte influence d’Hitchcock qui se termine avec La Mariée était en noire et, surtout, le décès tragique de Françoise Dorléac –  une de ses plus chères amies – dans un accident de voiture.
68, sera l’année d’un retour aux sources. Truffaut revient à son héros des Quatres Cents Coups et donne une suite aux pérégrinations sentimentale d’Antoine Doinel.

En 68, François Truffaut est aussi un fervent soutien d’Henri Langlois, le fondateur de la Cinémathèque Française malmené par le Ministre de la Culture André Malraux. Cet appuis de Truffaut explique la dédicace en ouverture de Baisers Volés adressée à Langlois.

Malgré la période noire que Truffaut traverse à titre personnel, Baisers volés est, curieusement ou pas, le film le plus léger, le plus doux, le plus drôle et le plus optimiste qu’il ait consacré à son personnage fétiche. On retrouve Antoine Doinel sappé d’un uniforme militaire et emprisonné. Antoine Doinel, engagé volontaire dans l’armée, est coupable de désertion et sera bientôt réformé. Cet épisode est emprunté à la biographie du cinéaste, soit la preuve encore une fois que malgré ce qu’il a parfois pu dire contre, Antoine Doinel est d’abord une projection du cinéaste. C’est peut-être ce qui explique que Baisers volés soit un film si léger et tendre. Sans doute Truffaut, s’il n’allait pas très bien, éprouvait le besoin de se replonger dans ses souvenirs les plus agréables. Cette nostalgie là, elle est prégnante dans le film, notamment par la musique de Trenet qui nous chante Que reste t’il de nos amours ?

L’Antoine de Baisers Volés a grandit mais reste tout autant espiègle que dans les Quatres Cents Coups. C’est ce qui fait le caractère enjoué et amusant du film. Rien que dans son attitude, par exemple face à un gradé de l’Armée, Antoine Doinel est en décalage et nous amuse.

Le garçon n’est pas qu’inadapté à la rigueur de la Grande Muette. A son retour à Paris, Doinel enchaîne les petits boulots qu’il n’arrive pas à garder. Les scènes sont là aussi plutôt amusantes, ou comment Doinel devient réceptionniste à un hôtel pour mieux enfiler ensuite l’habit de détective privé à la suite d’une cocasse affaire dans laquelle un mari jaloux trouve sa femme au lit avec un autre homme.

Ainsi, Doinel devient un petit détective. Le job à une double fonction : Cela nous fait lier Baisers volés, qui n’est qu’un innocent marivaudage, au cinéma policier et noir de Truffaut, grand adorateur d’Hitchcock comme chacun le sait sans doute ; mais en même temps, cet emploi permet au personnage de Doinel de nourrir son goût pour les femmes, lui qui semble peiner à en garder une à ses côtés.

Dans une scène clin d’oeil, Antoine croise Marie-France Pisier, c’est à dire la Colette du court-métrage réalisé par Truffaut en 62 et qui s’intercale entre Les 400 coups et Baisers volés pour ce qui est du cycle Doinel.
Antoine rencontre aussi Fabienne Tabard (Delphine Seyrig), l’épouse d’un vendeur de chaussure joué par Michael Lonsdale. La scène ou ce dernier apparaît dans le récit est particulièrement incongrue et drôle. Le lieu est idéal pour Truffaut comme pour Doinel, puisqu’il est pour chacun un théâtre à fantasmes. Dans toute son oeuvre, l’obsession fétichiste du cinéaste est manifeste. C’est d’ailleurs ça aussi qui confère souvent son charme à ses films, cette sensualité qu’il insuffle à son récit mais toujours avec délicatesse et pudeur. Françoise Tabard enseigne justement à Antoine dans Baisers Volés la différence entre politesse et tact. Ca va tout à fait dans le même sens.
Si le magasin de chaussure est un théâtre qui favorisent l’expression des fantasmes, c’est aussi parce qu’Antoine tombe sous le charme de la belle François Seyrig. Il sort à peine de l’adolescence alors qu’elle est déjà une vraie femme, selon la formule consacrée.

Voila Antoine très hésitant, entre une femme belle mais mariée et plus âgée qui le fascine et une jeune fille de son âge (Claude Jade), belle et fraîche qui le malmène mais dont il est épris.  L’amour est un jeu difficile, là encore, et Antoine n’est pas toujours très adroit. Sauf que cette fois, l’expérience n’est pas vaine, l’amour ne punira pas Antoine, l’amour ne sera pas amer. Quand le film termine, on envisage pour Antoine Doinel une vie belle et heureuse. Il signe son entrée dans le monde des adultes. Le petit Antoine des Quatre Cents Coups commence à ne plus être qu’un souvenir d’une passée qui est loin derrière lui.

Benoît Thevenin


Baisers volés – Note pour ce film :

Sortie française : 4 septembre 1968

Lire aussi :

  1. Antoine et Colette de François Truffaut (1962)
  2. L’Amour en fuite de François Truffaut (1979)
  3. Les Quatre Cents Coups de François Truffaut (1959)
  4. La Nuit américaine de François Truffaut (1973)

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2 commentaires sur “Baisers volés de François Truffaut (1968)”

  1. Foxart dit :

    C’est pour moi un des plus beau film de Truffaut, une de ses chef d’oeuvres, je l’adore de la première à la dernière seconde et je le connais presque par coeur… j’ai du le voir au moins 10 fois !
    Un de mes films de chevet !

  2. Verox dit :

    Ah, la lumineuse Claude Jade. J’adore ce film douce et léger.

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