Les Films du président de Charles Antoine de Rouvre

A l’heure ou l’on rejoue les Temps Modernes, les Etats-Unis se cherchent un nouveau président. L’attention mondiale autour de cette élection renvoie à quelques éléments de compréhension : on est sans doute à un tournant historique, les cartes géopolitiques du monde bougent (et les J.O de Pékins ont aussi eu leur importance dans ce sens) et les USA restent perçus comme les grands garants de l’équilibre de la planète, en particulier de ces valeurs démocratiques. Cette idée plus ou moins fantasmée – car non les USA ne sont pas seuls au monde – a été largement fantasmée par Hollywood. L’industrie américaine du cinéma n’a cessé de promouvoir haut et fort les valeurs américaines, de s’inspirer largement des contextes politiques successifs du pays. Et une figure reste tout à fait centrale : celle du président des Etats-Unis. La figure du président est récurrente dans le cinéma américain, qu’elle soit sérieuse, idéologique, ou même ricanante voire anecdotique, il n’est pas de cinéma américain sans un président tutélaire, une Maison Blanche omniprésente même si seulement dissimulée dans le décor.

Ce personnage du président fascine donc, et pas seulement les américains. La chaîne de télévision TCM (Turner Classic Movie) propose tout au long du mois d’octobre une programmation riche et éclectique autour de ce personnage du président US. Les films proposés le jeudi soir sur la chaîne – disponible en clair tout au long du mois d’octobre – mettront ainsi sur le devant de la scène certains présidents du cinéma américain. Un point d’orgue ? L’élection du 4 novembre bien sûr et le duel, bien réel cette fois, entre Obama et McCain. La chaîne programme également un documentaire de 52 min intitulé Les Films du président, lequel permet de faire en quelques sorte la synthèse autour de cette question de la place du président dans les films hollywoodiens.

A l’invitation de TCM, LATERNA MAGICA et quelques autres blogueurs cinéphiles (et politiques) ont été conviés jeudi dans les locaux de la chaîne à la présentation du documentaire. Les Films du président suit une chronologie évolutive mais n’ambitionne jamais un regard historique sur la question. Le film s’intéresse à tout à fait autre chose, à l’image du président qui est renvoyée dans les films. Certains films importants tel Docteur Folamour (Kubrick, 64) n’y trouvent donc pas leur place. La démarche reste intéressante même si l’on regrette très fort que certains extraits de films soient proposés en VF…

Revenons au docu à proprement parler. Ce qui marque avant tout c’est cette mythologie née peut-être des films. Hollywood a réussit à imposer des codes simples immédiatement identifiable : le bureau ovale, un téléphone, Air Force One autant d’éléments récurrents dans ces films de président et que le spectateur, américain ou non, reconnaît immédiatement. Témoin dans le documentaire, Edouard Baer rappelle cette chose très juste : au cinéma, la Maison Blanche c’est un plan large alors que l’Elysée, pour la France, ca ne peut qu’être un plan serré depuis la Cour. Du reste, il est probable que même les français en général ne sauraient vous dire à quoi ressemble notre palais présidentiel, alors même que la Maison Blanche est identifiée par n’importe quel quidam dans le monde… Hollywood, fortement attaché aux symboles et pas seulement concernant l’image de son président, représente d’ailleurs à sa façon le pouvoir français. Exemple dans Mars Attacks, ou dans le bureau du président incarné par Barbet Schroeder, la fenêtre dans son dos donne pleine vue sur La Tour Eiffel…

Les films du président met en lumière l’influence du cinéma sur les politiques. Une idée qui fonctionne aussi dans l’autre sens : la mise en scène très spectaculaire des meetings (cf Sunrise at Campobello, 1960), l’influence considérable de l’image (cf. le débat télé Nixon vs JFK), ou comment le cinéma à finalement anticipé toutes les possibilités de président pour les Etats-Unis : une femme présidente (Kisses for my président, 1964), un Noir (Deep Impact, 1998) etc.

En Europe la figure du président est plus rare. Sans doute les raisons sont culturelles. Notre héritage est latin, celui des Empereurs romains et de nos Rois, lesquels cachaient tout et à raison puisque bon nombre d’entre eux ont été renversés. Même aujourd’hui, en France la culture du Secret Défense prévaut quand aux USA, on parlera plus volontiers de culture de la transparence.

A savoir mettre en scène leurs présidents, réels ou fictifs, Hollywood à construit une partie de son empire et de son emprise sur le cinéma mondial. Harold et Kumar ont très récemment ridiculisés Bush Jr, alors que dans le même temps, Oliver Stone s’apprête à sortir un autre film sérieux cette fois, sur ce président pourtant toujours en place. La censure n’existe pas de ce point de vue et Hollywood profite de sa liberté de ton quasi illimitée pour s’emparer de tous les sujets, même les plus épineux, et toujours avec un savoir faire extraordinaire…

Benoît Thevenin

Diffusions du documentaire Les films du président :
jeudi 2 octobre à 20h45
vendredi 17 octobre à 23h30
jeudi 23 octobre à 19h45
lundi 27 octobre à 19h45
mercredi 29 octobre à 23h50
samedi 1er novembre à 20h45
dimanche 2 novembre à 19h45

Lire aussi :

  1. Jamila and the President (Jamila dan sang Presiden) de Ratna Sarumpaet (2009)
  2. Antoine et Colette de François Truffaut (1962)
  3. The Dictator de Larry Charles (2012)
  4. La BM du Seigneur de Jean-Charles Hue
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