Welcome de Philippe Lioret (2009)

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Une certaine agitation médiatique aura accompagné la sortie de Welcome, le nouveau film de Philippe Lioret, un cinéaste populaire et qui a toujours su viser juste, qu’il s’agisse de faire rire ou pleurer. Welcome est une fiction à charge contre le système et ses dérives autoritaires et anti-compassionnelles. Le film a sa légitimité, s’intègre parfaitement à un contexte politique ou la remise en cause des libertés individuelles et collectives pointe presque chaque jour son nez. La polémique qui a accompagné Welcome aura aussi été permise par le dialogue à distance qu’on entretenus le réalisateur du film et le ministre de l’immigration Eric Besson, sur un ton assez dur.

Le sors des immigrés clandestins en transit vers la Grande-Bretagne depuis le port de Calais, est un sujet éminement sensible. On touche à diverses problématiques, toutes complexes et emmêlées, mais dont une monopolise l’attention plus que toutes les autres : la dignité de l’individu.

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Avec un tel sujet de fond, le risque de la démagogie la plus insupportable est grand, d’autant que le débat politique est en permanence pollué de tous côtés par, justement, des discours tous plus démagos et populistes les uns des autres. Le risque est d’autant plus fort que Welcome est manifestement un film destiné au grand public.

Mais c’est oublier de faire confiance à Philippe Lioret. Le réalisateur est souvent juste, peu importe le registre émotionnel qu’il choisit d’explorer et, surtout, Welcome est en filiation directe avec son premier long-métrage de réalisateur, Tombés du ciel (1993) avec Jean Rochefort.

On sent un véritable intérêt de Lioret pour ce sujet, pour ces trajectoire humaines. Welcome est fait pour titiller encore la sensibilité des spectateurs. Tout converge vers une histoire simple et douloureuse, vers un mélo quasi exécuté dans les règles de l’art. Reste que Lioret ne cède pas non plus à la démagogie, que son film est subtile dans son cheminement et, même si le scénario empruntes des chemins connus, exploite des ficelles narratives relativement grossières, la sensibilité et le recul de Lioret aide largement à ce que la pilule passe.

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Tout tourne autour des deux personnages principaux. Bilal est un réfugié Kurde-Irakien qui souhaite rallier Londres pour rejoindre celle qu’il aime. Simon (Vincent Lindon) est un maître-nageur en instance de divorce et qui mène une vie parfaitement sage et assez éloignée de tout problème. Bilal vit parmi les réfugiés et, comme eux, en errance. Le jeune homme est néanmoins malin et prend l’initiative de s’inscrire en cours de natation. Le premier calcul est assez simple : trouver une occupation, apprendre à nager, et pouvoir profiter des douches de la piscine. Simon est d’abord relativement insensible à la présence du garçon. Il fait son boulot de maître-nageur, sans se poser de questions.

L’instant-clé du film intervient lorsque Simon et son ex-femme Marion, assistent impuissants à un conflit à l’entrée d’un supermarché entre vigiles et deux réfugiés lesquels souhaitent simplement entrer pour faire quelques courses, ce dont on les empêche donc. Marion aide bénévolement les réfugiés chaque soir en participant à la distributions de repas. Dans cette scène elle provoque Simon pour obtenir de lui une réaction. Ce dont Simon est coupable, c’est de ce fatalisme qui nous frappe tous pour la grande majorité, cette façon que nous avons d’accepter les situations en se croyant incapables d’être assez fort pour les changer.

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Cette scène va provoquer un bouleversement chez Simon qui, progressivement s’intéresse au jeune Bilal et décide même de le prendre sous son aile. Avec un objectif bientôt commun : s’il s’entraîne assez, Bilal peut devenir assez fort pour traverser la Manche à la nage… C’est aussi à partir de ce moment là que le film atteint le coeur de son sujet. Ce que Welcome souhaite dénoncer, c’est cet article L622-1 du code pénal qui veut que les citoyens français soient condamnés par la justice dès lors qu’ils apportent une aide quelconque aux immigrants illégaux.

Dans le débat par médias interposés que se sont livrés Eric Besson et Philippe Lioret, l’Etat français à réussi à manifester toute son hypocrisie face à cette question. D’un côté Lioret fustige une loi qui si elle existe a forcément pour fonction théorique d’être appliquée quand de l’autre côté, le ministre de l’immigration s’ingénie a expliquer que les sanctions pénales ne sont jamais prises car il y aurait une prise en considération de l’humain. Reste que le prédécesseur d’Eric Besson, Brice Hortefeu, est aussi le premier à expliquer que selon lui les lois sont faites pour être appliquées, que la loi est sacrée et que si elle ne correspond plus à la philosophie d’un peuple, et bien on la change plutôt que de la bafouer. On voit bien que dans ce débat chacun campe sur ses positions et que le parti-pris pour l’humain est infiniment plus convainquant que les explications théoriques sur les mécanismes de la République.

Par rapport à ce sujet, Welcome se présente ostensiblement comme une fiction à charge, avec peut-être l’espoir de bouger les lignes. On voit dans le film comment la police procède à de vastes opérations d’arrestations pour renvoyer les personnes illégales dans leurs pays d’origine. Le mot « rafle » est prononcé dans le film et c’est un mot fortement connoté qui gêne manifestement le ministre. Sauf que… de quoi s’agit-il d’autres ?

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En clair, le film appuie là ou ça fait mal, insiste sur l’émotion, sur le caractère injuste de ce que doit subir Bilal. Il y a là quelque chose de très caricatural dans le portrait du jeune garçon mais il fallait ça pour que la fiction marche, que l’émotion jaillisse, que le discours militant trouve un écho.

Welcome ne devrait pas manquer de séduire, de toucher, de provoquer des réactions. Le film tient aussi grâce à des personnages, parfaitement développés, parfaitement interprétés aussi. Firat Ayverdi est une belle révélation dans le rôle de Bilal, tandis que Vincent Lindon, en résistance et dans un rôle finalement très proche de celui qu’il tenait dernièrement dans Pour elle, est l’acteur idéal  pour ce personnage. On ressent à merveille ses doutes, son questionnement, son évolution et cette espèce de fragilité qui le caractérise tant il est un personnage ordinaire. On retrouve aussi avec plaisir Audrey Dana, découverte chez Lelouch dans Roman de Gare.

Que ce film arrive alors que Sarkozy est au pouvoir est un signe qui ne trompe pas. Il est important qu’il soit vu, décrypté et discuté. Welcome complète aussi un autre film dès plus intéressant sur un sujet proche. Jean-Pierre Améris avait réalisé il y a quelques temps le très estimable Maman est folle pour la télévision et avec Isabelle Carré dans le rôle principal. Ces témoignages sont essentiels.

B.T


Welcome – Note pour ce film :

Sortie française le 11 mars 2009

Lire aussi :

  1. Sous les bombes (Taht el Qasef) de Philippe Aractingi (2008)
  2. Jeanne Captive de Philippe Ramos (2011)
  3. Dans la vie de Philippe Faucon (2008)
  4. [La Trahison] Rencontre avec le réalisateur Philippe Faucon
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4 commentaires sur “Welcome de Philippe Lioret (2009)”

  1. Vlad dit :

    J’en es tellement entendu parler que je pense essayer de le voir lundi si tout va bien on verra 😉

  2. MaG dit :

    vu ! et globalement d’accord !! surtout ave le dernier paragraphe … il est important que ce film soit vu, pour le message … sinon, cinematographiquement parlant, ça ne me laissera pas un souvenir éternel

  3. mapatano amani dit :

    moi aussi je suis un jeune refugies qui fuit les conflits tribal de mon pays et maintainant je suis au kenya avec mes mon frere et ma souer mais j’aimerais aussi trouver un lieu ou j’aurais ma parfaite liberte comme mon ami qui a fuit aussi son pays qu’est l’iraq

  4. EVEILLARD dit :

    Bonjour,

    Je travailles pour les editeurs chez hachette et je fais les droits de texte, J’aimerais nous contacter votre adresse.
    Merci
    Martine Eveillard

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