Her Mother de Yoshinori Satô (2016)

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Harumi assiste au meurtre de sa fille unique Michiyo, par Koji, le mari de celle-ci. Six ans après le drame, Koji est condamné à la peine capitale. Harumi, qui n’a de cesse de vouloir comprendre ce qu’il s’est passé, qui rend régulièrement visite au meurtrier en prison pour trouver des réponses, va désormais se battre pour empêcher l’exécution de celui qui lui a pris sa fille.

Yoshinori Satô revendique l’influence de Michel Foucault sur sa pensée et livre avec Her Mother, une réflexion avant tout philosophique sur les conséquences psychologiques, les réactions sociales, et l’arbitraire des positionnements politiques consécutifs à ce fait divers.

Harumi est en quête obsessionnelle de réponses, et elle considère que le seul à les détenir reste Koji. Il est le dernier lien vivant la reliant à sa fille morte, et c’est ce qui la pousse à aller jusqu’en prison à sa rencontre. Au parloir, le face à face entre les deux est décisif. En se confrontant au visage du meurtrier de sa fille, Harumi éprouve d’autant plus le besoin de dialoguer, de comprendre et, à terme, de considérer l’irrationalité de la peine capitale. Son attitude s’oppose à celle de son mari notamment. Le drame a complètement bouleversé l’équilibre de la famille. Harumi et son mari sont maintenant séparés. Ce dernier s’oppose radicalement à son épouse, il est dans une démarche vengeresse et souhaite plus que tout la pendaison de Koji. Quant au frère d’Harumi, fervent partisan lui aussi de la peine de mort, il considère vite que sa soeur a basculé dans la folie.

A travers les réactions intimes de l’entourage le plus proche de la victime Michiyo, Yoshinori Satô rend compte de la fracture qui nait inévitablement dans l’opinion dès lors que le débat sur le recours à la peine de mort est de nouveau posé. Le cinéaste privilégie un cadre strictement intime, privilégiant le point de vue marginal d’Harumi, mais laissant filtrer des informations plus générales. Yoshinori Satô met ainsi sur la table le rôle des médias, entre attitude sensationnaliste et vecteur de haine à l’adresse du meurtrier. La douleur de la mère est peu considérée, ce qu’Harumi déplore à plusieurs reprises, rappelant qu’elle est la première victime du drame, que la perte de sa fille est inconsolable.

Filmé caméra à l’épaule, au plus près des personnages et dans une lumière crue qui durcit les traits, Her Mother est un film âpre et dur. Le cinéaste met en scène le bouleversement majeur qu’induit une affaire aussi grave, comment la communauté se divise, comment la cellule familiale se désagrège, et comment, au-delà, le cas de Koji est instrumentalisé par le pouvoir politique. Yoshinori Satô défend l’idée du dialogue entre les personnes, de la prise en considération de l’autre et de sa singularité, mais il arrive à un constat pour le moins décevant. A la théorie philosophique il impose une conclusion pour le moins amère et qui contredit ses intentions manifestes. Cela sans doute parce que le cinéaste admet que la réalité est souvent plus brutale et cruelle que ce que la pensée philosophique suggère.

B.T

Lire aussi :

  1. Mother de Bong Joon-ho (2009)
  2. Mother of tears (La Terza madre) de Dario Argento (2007)
  3. Julieta de Pedro Almodóvar (2016)
  4. Baccalauréat de Cristian Mungiu (2016)
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