La Tête haute d’Emmanuelle Bercot (2015)

 

La Tête haute s’inscrit immédiatement dans la lignée de certains films qui, du Police de Pialat (1985) aux Bureaux de Dieux de Claire Simon (2008) entre autres exemples, s’articulent quasi entièrement autour de scènes de bureaux, dans les coulisses d’institutions ou d’assos qui font le ciment du vivre ensemble, dans lesquels défilent un public qui est le témoin d’un certain état de la société.

Dans la scène d’ouverture du film d’Emmanuel Bercot, il n’y a pas de visage, la caméra les évite et coupe les corps, les regards ne se croisent pas, mais le discours, les mots, raisonnent déjà forts. Le destin d’une vie, ce garçon innocent et sagement  assis au sol, est en train de se décider, de s’écrire, dans la confrontation entre une juge pour enfants (Catherine Deneuve) et une mère jeune et complètement paumée (Sara Forestier).

Le parcours éducatif du jeune Malony, de ses 15 ans à sa majorité, est rythmé par les passages réguliers devant la juge. Il y a un vrai rapport d’amour entre la mère et son fils (ses fils plutôt, puisque Malony à un frère cadet dont on imagine bien qu’il sera soumis aux mêmes tiraillements), mais cette mère ne prend pas de décisions, elle ne sais pas élever ses enfants. Les décisions, ce sont la juge qui les prononce, toujours dans le soucis de ce qui est de mieux pour Malony, mais avec aussi, paradoxalement, un aspect destructeur dans la mesure où elles séparent l’enfant de sa mère.

Malony est un ado a fleur de peau, épuisé par la rengaine de ses placements dans des foyers, qui n’éprouve que de la défiance à l’égard d’une justice qu’il ne comprend pas, et d’éducateurs qui lui fixent dès règles perçues comme injustes. Les poings serrés, le verbe haut, Malony ne cesse de menacer d’exploser, de plonger dans des accès de violences qui remettent à chaque fois en cause le travail mis en place pour l’aider à se construire. Toutes ces rencontres, en présence de l’avocat, ou bien sous le contrôle de surveillants, de policiers, structurent ainsi le parcours adolescent de Malony, et par la même la construction scénaristique de son histoire.

Si le film est fort, captivant, et parvient à émouvoir, c’est parce que Malony, malgré ses crises et sa rage, est un garçon profondément attachant et dont chacun perçoit le potentiel autant que le gâchis. La Tête haute est le portrait – sous tension mais très beau – d’un petit homme fragile, déstructuré, perdu et déjà abîmé par la vie. Ce que l’on voit aussi en creu se dessiner, ce sont les efforts d’une société, des ses serviteurs et de ses travailleurs sociaux, qui s’évertuent dans l’ombre à trouver des solutions, des alternatives, des chemins de traverses, pour non seulement dévier les jeunes délinquants de leur trajectoire, mais aussi leur apprendre à être responsable, à rentrer dans le rang, et devenir des adultes avec de sages repères. Le film d’Emmanuelle Bercot est en cela très rassurant, il met en lumière ce travail, la patience et la difficulté qu’il exige au quotidien et il est un film profondément optimiste, où le désespoir et la défaite ne gagnent jamais de terrain, où l’humanité prime et triomphe toujours, la tête haute.

B.T

Lire aussi :

  1. Des trous dans la tête (Brand upon the brain !) de Guy Maddin (2007)
  2. Mia Madre de Nanni Moretti (2015)
  3. Notre petite soeur de Hirokazu Kore-eda (2015)
  4. Le Conte des contes de Matteo Garrone (2015)
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