Our Homeland (Kazoku no kuni) de Yang Yong-hi (2012)

La réalisatrice Yang Yong-hi est née au Japon d’un père coréen fidèle à l’idéologie marxiste imposée au nord de la péninsule par le dictateur Kim Il-sung puis son fils Kim Jong-il et maintenant Kim Jong-eu. Son histoire, la cinéaste l’a d’abord racontée par la voie du documentaire (Dear Pyongyang, prix spécial à Sundance en 2006 et Grand Prix du Festival Franco-Coréen du Film à Paris en 2007). C’est également à partir de son expérience personnelle qu’elle a écrit et mis en scène son premier long-métrage de fiction, Our Homeland.

Le film décrit une parenthèse exceptionnelle dans le quotidien d’une famille coréenne installée au Japon. Le père, toujours fidèle à l’idéologie Marxiste, dirige l’association des nord coréens au Japon. Son fils Seong-ho a obtenu l’autorisation de revenir provisoirement à Tokyo afin de se faire soigner d’un cancer qui ne peut être pris en charge en Corée du nord. Une jeune femme l’accompagne, brulée au visage, qui elle aussi a été autorisée à quitter son pays, le temps de recourir aux miracles nippon de la chirurgie réparatrice. Le retour de Seong-ho, strictement réglementé et soumis à la vigilance et au contrôle d’un pion du régime de Pyongyang, est certes chargé d’émotion, mais d’une émotion très contenue.

Seong-ho n’a plus vu ses proches depuis vingt cinq ans qu’il vit dans la capitale nord-coréenne. Il n’est pas question de tenter d’extraire Seong-ho de sa soumission au régime, ni même de tenter de le convaincre de quoi que ce soit. Il est acquis d’emblée que Seong-ho retournera en Corée et ne reviendra sans doute jamais. Le film montre la souffrance d’une mère coupée de son fils, la peine d’une soeur qui n’a probablement jamais partagé de moment avec ce frère coincé à l’intérieur du pays le plus fermé au monde.

Par le prisme du personnage de Seong-ho et de ce membre du parti qui le surveille dans ses moindres gestes, Our Homeland laisse entrevoir la dureté du régime de Pyongyang, son intransigeance qui étouffe littéralement toute velléité et toute conscience personnelle. Yang Yong-hi accompagne Seong-ho au plus près, dans un style froid, naturaliste, où la caméra est toujours portée et le cadre tremble.

Le récit s’inscrit dans un laps de temps très court qui ne laisse pas l’opportunité aux personnages d’évoluer vraiment. Pour autant, Seong-ho, plutôt mutique et qui ne manifeste que très peu d’émotion, n’est pas tout à fait insensible . Il retrouve un Japon dans lequel il a grandit et qui a quelque peu changé depuis toutes ses années. Il renoue avec une vieille amie dont on devine qu’il y a eu jadis une histoire entre eux, il partage du temps avec sa mère et sa soeur. Des souvenirs remontent à la surface et le modèle de la société de consommation le soumet à quelques tentations. Cependant rien ne viendra le faire bouger de sa trajectoire. Au contraire, lorsque Seong-ho propose à sa jeune soeur d’oeuvrer comme espionne du régime nord coréen, des soupçons apparaissent qui révèlent surtout la soumission complète de Seong-ho à l’idéologie de son pays d’adoption. C’est de là, parce que l’on regarde Seong-ho à travers le regard de sa mère et de sa soeur, parce que l’on s’attache à lui et que comme elles on se prend à imaginer qu’il ne repartira pas et que le film provoque une sorte de choc. Our Homeland ne laisse entrevoir qu’une seule porte de sortie possible et impose ainsi une issue cruelle pour les proches de Seonh-ho. Le caractère très personnel de cette histoire, on le ressent très bien et c’est aussi en cela, par sa profonde sincérité, que le film parvient à nous toucher.

 Benoît Thevenin

Our homeland ***1/2

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Un commentaire sur “Our Homeland (Kazoku no kuni) de Yang Yong-hi (2012)”

  1. […] Je retrouve dans la salle 12 d’autres membres du jury qui n’ont pu être présents hier à la projection du 4ème film en compétition, en compagnie du taulier de Laterna magica. […]

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