Vous n’avez encore rien vu d’Alain Resnais (2012)

« Je vous appelle pour vous apprendre une effroyable nouvelle. Votre ami Antoine d’Anthac est mort ». C’est en substance le message que reçoivent successivement Lambert Wilson, Sabine Azema, Pierre Arditi et le reste de la troupe conviée par Resnais pour son nouveau film. Chacun joue son propre rôle et tous se retrouvent, selon la volonté du défunt. Surtout, tous ces acteurs ont joué – nous dit-on – la pièce Eurydice écrite par d’Anthac (Denis Podalydès). S’ils sont réunis, c’est pour regarder la captation d’une mise en scène de cette pièce par une troupe de jeunes comédiens inconnus « La compagnie de la Colombe ». Ils devront décider à l’issue de la représentation si cette pièce mérite en effet d’être encore jouée…

Le scénario se limite ensuite à une interprétation de cette pièce en quatre actes. Chaque acteur se remémore le texte joué jadis et commence à le réciter haut et fort. Les voix se superposent et rentrent en interaction. Par ce procédé, Resnais s’émancipe des codes du théâtre. Trois générations de comédiens rejouent la pièce et chacun représente un âge de la carrière de l’auteur. A l’évidence, Resnais se met en scène via la figure d’Antoine d’Anthac. Le cinéaste a bien conscience à 89 ans qu’il est au crépuscule de sa carrière et que chaque nouveau film est potentiellement le dernier ; mais, par d’Anthac qui finit par expliquer qu’il a réunit tout le monde pour savoir si on l’aimait encore, Resnais pose la même interrogation. Ils sont presque tous là à avoir répondu à son invitation et à participer à la nouvelle frivolité du cinéaste. Le film et malicieux et un délice, même s’il est vrai que le procédé épuise et qu’on finit par trouver le film un peu long. Son inventivité de cinéaste et comme dissimulée derrière la mise en abîme, le théâtre dans le théâtre dans le cinéma… L’impression de théâtre filmé n’est vraiment qu’une illusion. Certes la mise en scène n’est pas autant aérienne qu’elle l’était dans Les Herbes folles, mais Resnais est un magicien qui a plus d’un tour dans son sac.

On est forcément ému quand on aime le cinéma de ce grand monsieur, d’assister à un spectacle avec une telle valeur testamentaire. Sauf que Resnais ne se résigne surtout pas et il le dit. Il a réunit tout ce monde pour savoir si on l’aimait encore, si cela vaut la peine qu’il continue. La réponse va de soi, Resnais n’est plus tout jeune certes, mais il est grand et on a encore rien vu.

Benoît Thevenin

Vous n’avez encore rien vu ***1/2

Sortie française le 26 septembre 2012

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