Les Chants de Mandrin de Rabah Ameur-Zaïmeche (2011)

Ce film, Rabah Ameur-Zaïmeche le porte en lui depuis au moins six ans. Il projetait déjà le réaliser après Bled Number One (2006) mais le cinéaste a mis en scène entre temps Dernier maquis (2008).
En accompagnant les anciens compagnons de Mandrin dans une nouvelle campagne de contrebande, Rabah Ameur-Zaïmeche continue de construire un cinéma de la révolte, dans le propos au moins, mais dans la forme aussi tant son style ne s’accommode d’aucun moule. L’ambition esthétique déjà manifeste dans le huis clos de Dernier maquis se déploie encore davantage dans Les Chants de Mandrin. L’image est de plus en plus belle et sophistiquée, même si paradoxalement son travail reste inscrit dans un cadre naturaliste, libre, et quelque peu dépouillé.

Entre âpreté et élan romanesque, le film prend le temps de monter en pression (à l’instar de l’intense séquence finale). C’est un film de troupe, un film ou l’utopie artistique et intellectuelle du cinéaste compte bien plus que la vraisemblance ou la véracité de ce qu’il met en scène. Ce ne sont de toutes les façons pas les faits qui importent, mais la représentation de la légende.

Rabah Ameur-Zaïmeche incarne lui-même Bélissard, cette figure qui dans le film dirige les troupes orphelines de leur héros, Mandrin. Bélissard est un libérateur, un résistant : il libère les prisons, diffuse la culture, organise des marchés sauvages. Il célèbre le peuple dans une forme d’anarchie, ou tout au moins dans la confrontation avec une autorité corrompue et malfaisante (cf. la séquence d’ouverture) ou bien carrément ignare (qui brûle des livres).

Moderne et poétique, le film puise dans la légende de Mandrin, ce qu’elle véhicule, pour mieux nourrir un message libertaire qui s’accorde parfaitement avec le monde actuel, qui fait même preuve d’un volontarisme exultant, d’un acharnement à ne jamais se laisser enfermer dans le diktat des normes les plus avilissantes.  Le film se termine en apothéose, dans la fièvre qui s’empare de corps dansant et chantant dans un élan communicatif ou la ferveur est réelle, où chacun, spectateur compris, est comme remonté à bloc, prêt à rejoindre la troupe de Bélissard et chanter avec lui les chants de Mandrin.

B.T

Les Chants de Mandrin ****

Sortie française le 25 janvier 2012

Lire aussi :

  1. [Bled Number One] Rencontre avec le réalisateur Rabah Ameur-Zaïmeche
  2. Dernier Maquis de Rabah Ameur-Zaïmeche (2008)
  3. Footnote (Hearat Shulayim) de Joseph Cedar (2011)
  4. Le Temps dure longtemps (Gelecek Uzun Sürer) de Özcan Alper (2011)
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