La Folie Almayer de Chantal Akerman (2011)

Un homme traverse la foule rassemblée face à un chanteur. Il monte sur scène et poignarde l’artiste. Une danseuse derrière continue ses mouvements, le regard perdu vers un ailleurs, comme coincée dans une boucle dont il est impossible de s’extraire. Elle est devant l’image d’un soleil couchant, promesse d’un paradis qui n’est pas là. Et c’est pour elle que le chanteur est mort.

Adapté librement du roman de Jospeh Conrad, La Folie Almayer est un film déchirant, entre déracinement et  attachement forcené à une terre, fuite et retour, protection et émancipation etc.

L’action se déroule dans un lieu isolé, au bord d’un fleuve quelque part dans un pays indéterminé de l’Asie du sud-est. Nina est la fille métisse d’un entrepreneur colonial et d’une mère indigène. Nina a t’elle un avenir dans cet endroit perdu ? Elle devient l’enjeu d’une première rivalité entre deux hommes, un européen qui souhaite emmener Nina avec lui pour la placer dans un pensionnat et lui offrir une éducation de « blanche » (Marc Barbé), et ce père qui ne peut se résoudre à perdre sa fille (Stanislas Merhar).

Romanesque et troublant, La Folie Almayer offre d’abord à ressentir des sensations. Le film est contemplatif, esthétiquement fascinant d’ailleurs, presque abstrait et avec un rythme lancinant (avec la musique de Gene Vincent, Love of man, qui revient en leitmotiv). Chantal Akerman livre un film sombre, mélancolique et qui s’attache d’abord à peindre l’âme de son personnage principal, ce père qui perd la raison par amour pour sa fille.

La réalisatrice illustre la perte qui accable le père et le fait sombrer progressivement dans une folie inexorable, et en même temps le récit reste celui d’une jeune femme à la beauté précieuse et incroyable (sublime Aurora Marion), presque mutique mais éprise de passion et qui a besoin de s’échapper. Nina traverse le film dans un état quasi extatique et permanent, déambulant telle une somnambule ou un être en état de choc. Dans ce récit abstrait ou les repères sont rares, quelle est finalement la part hallucinée ? Le film déploie ainsi sa fatalité et sa singularité dans ce rapport là, entre folie et  illusion, entre amour obsessionnel et amour fantasmé, dont in fine le spectateur aussi a du mal à s’extraire tant La Folie Almayer s’inscrit durablement dans nos pensées.

B.T

La Folie Almayer ****

Sortie française le 25 janvier 2012

Lire aussi :

  1. Black Swan de Darren Aronofsky (2011)
  2. Louise Wimmer de Cyril Mennegun (2011)
  3. Drari de Kamal Lazraq (2011)
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