Le Bal des vampires (The Fearless Vampire Killers) de Roman Polanski (1967)

En Pologne, Roman Polanski se prêtait volontiers au jeu d’acteur, que ce soit sur les planches ou devant les caméras. Il s’offre pour la première fois un rôle dans un de ses propres longs-métrages à l’occasion du Bal des vampires en 1967. Avec Jack MacGowran qu’il avait dirigé dans son précédent film Cul-de-sac, Roman Polanski forme un duo de chercheurs sur les traces des derniers vampires de Pennsylvanie.

MacGowran joue le rôle du professeur Abronsius et Polanski celui de son assistant, Alfred. Les deux passent une nuit dans une auberge à l’intérieur de laquelle une gousse d’ail suspendue au plafond leur indique qu’ils sont sur la bonne voie. Alfred tombe sous le charme de Sarah (Sharon Tate), la fille de l’aubergiste, mais la nuit celle-ci est enlevée par le Comte von Krolock. Abronsius et Alfred se mettent en quette de la délivrer des dents de l’insatiable vampire…

Roman Polanski rend ici hommage aux films de la Hammer avec Peter Cushing ou Christopher Lee qu’il affectionne particulièrement. Un vampire dessiné remplace le logo de la MGM en ouverture du film et ne laisse aucun doute quant aux intentions du cinéaste. Polanski parodie le genre horrifique et prend un malin plaisir à détourner les codes du film de vampire : les suceurs de sang  vivent en société, l’ail n’est efficace que par son odeur, un vampire juif ne recule pas face à la croix, un vampire homosexuel tente de séduire Alfred, un autre est sourd et la conclusion prend le contre-pied du happy-end attendu pour verser dans l’ironie pure.

Le film est presque entièrement tourné en studio, dans les décors de la MGM en Angleterre et avec des toiles peintes en arrière fond. Dans la première séquence, Polanski opère un zoom depuis la Lune et révèle les Carpates joliment dessinées à coups de pinceaux. Cela donne immédiatement l’impression d’un univers onirique et en même temps cela renvoie aux réalisations purement artisanales de la Hammer. Les couleurs même – il s’agit au passage du premier film de Roman Polanski tourné en couleurs – évoquent plutôt le cinéma horrifique des années 50.

Souvent drôle et attachant, Le Bal des vampires est mené à un très bon rythme par le cinéaste. Polanski alterne gags et séquences d’actions avec des moments en apesanteur, comme suspendus dans le temps, principalement quand Alfred se retrouve face à la sublime Sarah. Le personnage d’Alfred, timide et chaste, est lui même comme pétrifié face à la beauté de la fille de l’aubergiste, il perd ses mots et semble parfois basculer dans un autre monde, enchanté. On a ainsi le sentiment d’assister à la naissance du sentiment amoureux entre Roman Polanski et Sharon Tate.

Le cinéaste envisageait d’abord une autre comédienne pour rôle de Sarah. C’est par l’entremise de Martin Ransohoff, producteur exécutif du film, que s’arrange la rencontre entre les deux. Le cinéaste tombe amoureux de l’actrice et leur relation se développe sur le tournage. Sharon Tate, dans sa robe rouge éclatante, irradie l’écran et cela est aussi le fait de la passion du cinéaste pour son actrice. Un an après le tournage, en 1968, ils se marieront.

Est-ce l’idylle amoureuse en construction sur le tournage ? Le Bal des vampire est bercé par les sentiments de naïveté, de douceur et d’innocence qui confèrent au film tout son charme, désuet mais qui – aujourd’hui quarante ans après – ne s’altère pas.

Polanski devra cependant batailler avec le producteur Martin Ransohoff pour la sortie du film. L’argentier impose un doublage des comédiens, charcute le montage, fait tourner de nouvelles scènes dont une séquence animée en prologue, et change la musique de Krzysztof Komeda qui pourtant colle tant à l’ambiance de conte qui fait le film. En salle le film est d’abord un tel échec que la MGM réclame à Polanski sa version à lui, laquelle sera un véritable succès en même temps qu’un beau pied-de-nez à l’industrie.

Trente ans plus tard, Polanski mettra en scène sur les planches à Vienne une comédie-musicale adaptée du Bal des vampires. Le succès sera là aussi au rendez-vous.

Benoît Thevenin

Le Bal des vampires ****

Sortie française le 1er avril 1968

Lire aussi :

  1. Lesbian Vampire Killers de Phil Claydon (2009)
  2. The Ghost-writer de Roman Polanski (2010)
  3. Cul-de-sac de Roman Polanski (1966)
  4. Carnage de Roman Polanski (2011)
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