Carnage de Roman Polanski (2011)

Tourné en complet huis-clos dans un appartement new-yorkais reconstitué en région parisienne, le nouveau film de Roman Polanski est l’adaptation plutôt très fidèle de la pièce Le Dieu du carnage de Yasmina Reza, montée en 2008 au Théâtre Antoine à Paris et avec Isabelle Huppert en principale tête d’affiche. L’appartement du film se situe à New York – ce qu’on ne peut guère deviner que de part les aspects de la décoration – mais cela ne présente qu’un intérêt limité. La caméra ne pointant jamais le nez dehors, exclusion faite de la séquence générique où l’on voit deux bandes de garçons s’affronter dans un square, l’action se déroule donc exclusivement à l’intérieur d’un appartement, en l’occurrence celui du couple John C. Reilly – Jodie Foster.

On tique un petit peu – mais ce n’est là qu’un détail – devant le confort de cet habitat dès lors que le couple évoque chacun leur statut professionnel. Lui est un modeste entrepreneur, et elle, une auteure qui ne publie pas. Il semble y avoir une difference de standing entre leur appartement et ce qu’on nous dit de la façon dont ils gagnent leurs vies. La vérité, c’est que l’intérêt revient au cinéaste, lequel s’accorde de ce fait plus d’espace pour faire circuler sa caméra et varier les angles. Cela Polanski le fait très bien, et la mise en scène, bien que confiné dans cet espace, se distingue allégrement du simple théâtre filmé. Polanski est plus malin que ça.

Le cinéaste est habitué à installer ses personnages dans des univers cloisonnés, du Couteau dans l’eau, sur un petit voilier pour son premier long-métrage en 1962, jusqu’à The Ghost-writer (2010), qui se déroule pour une grande partie à l’intérieur de la maison du personnage de Pierce Brosnan, et en passant par le véritable huis-clos que constitue pour le coup  La Jeune fille et la mort (1994). Ce goût là, Polanski le doit sans doute au théâtre, un domaine qui l’intéresse aussi beaucoup. Il est d’ailleurs également metteur en scène de plusieurs pièces.

L’enfermement favorise les tensions et Carnage n’y échappe pas, c’est même de toute évidence l’enjeu. Deux couples se rencontrent pour s’expliquer à propos de la bagarre qui a opposé leur fils respectif. Chacun est bien élevé et courtois, mais les échanges s’enveniment peu à peu.

Le film se déroule en temps réel ; un temps suffisant pour que tout ce qui peut opposer les personnages entre eux puissent éclater plus ou moins violemment à la surface. Carnage épingle la morale bourgeoise qui veut notamment que le dialogue et la politesse soient la base de la résolution des problèmes. Or, ça ne suffit pas toujours…

Carnage présente un quator de personnages ou se révèlent différents rapports de forces. Il y a d’abord un déséqulibre entre les deux couples. Kate Winslet et Christoph Waltz sont un peu plus élevés socialement que leurs rivaux et cette différence finira par émerger à la surface. Le conflit se déplace ensuite sur un autre champ de bataille, celui de la guerre des sexes. Ainsi, à force de cynisme et de petites méchancetés lancées à la figure, l’équilibre initial de la morale de ces gens de bonne société vole en éclat en une sorte de jeu de massacre, où plus personne ne respecte personne… Mais au fait, quel était l’objet de la réunion des deux couples ? Ils finissent par démontrer, que tout adultes qu’ils sont, ils ne sont pas moins puériles que leurs enfants. Ces derniers sont peut-être même moins à plaindre d’ailleurs, car eux savent passer à autre chose, ce qui n’est en revanche pas certain pour ce qui est des parents…  Avec Carnage, Polanski nous invite à nous regarder chacun dans une glace et signe un film, certes mineur dans sa filmographie, mais qui est une comédie à la fois caustique et réjouissante, idéalement portée par quatres comédiens merveilleusement bien accordés ensemble. Il fallait le dire aussi.

Benoît Thevenin

Carnage ***1/2

Sortie française le 7 décembre 2011

Lire aussi :

  1. Cul-de-sac de Roman Polanski (1966)
  2. Quoi ? (Che ?) de Roman Polanski (1972)
  3. The Ghost-writer de Roman Polanski (2010)
  4. Rosemary’s baby de Roman Polanski (1968)
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Un commentaire sur “Carnage de Roman Polanski (2011)”

  1. Paul Napoli dit :

    J’ai adore cette comedie noire de Polanski, au point que j’en ai parle sur mon site
    http://comedieitalienne.com/2012/05/01/carnage/

    C’est un petit chef d’œuvre d’humour et de direction d’acteur.

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