The Truman Show de Peter Weir (1998)

Au coeur des années 90, Jim Carrey s’est imposé comme la nouvelle référence de la comédie américaine. En 1994, il triomphe successivement avec Ace Ventura, détective pour chiens et chats (Tom Shadyac), The Mask (Chuck Russell) et Dumb & Dumber (Peter & Bobby Farrelly), des comédies régressives au style potache , et dans lesquels Carrey crève l’écran par ses grimaces incroyables. Il continue ensuite d’être employé pour décliner ce talent là, en atteste Ace Ventura en Afrique (Steve Oedekerk, 1995), Disjoncté (Ben Stiller, 1996) et Menteur, Menteur (Shadyac, 1997), mais Jim Carrey ne compte pas se laisser enfermer dans une seule case.

Le projet de The Truman Show lui arrive opportunément dans les mains. Le scénario est écrit par Andrew Niccol, un inconnu débarqué de sa Nouvelle-Zélande natale. Niccol propose son scénario au producteur Scott Rudin (A propos d’Henry, La Famille Adams, Sister Act etc.), lequel se montre immédiatement intéressé, mais ne souhaite pas confier la réalisation à un débutant. Peter Weir hérite du challenge, pour son retour presque cinq ans après Etat Second (1993).

Le film sort en 1998 en France. Contrairement aux spectateurs américains familiers depuis le milieu des années 70 au concept de la télé-réalité, le public français – et même européen puisque Big Brother ne débarque sur les grilles de la télé néerlandaise qu’en 1999 – est encore totalement vierge et ignorant en la matière. Le principe de The Truman Show est alors dès plus intriguant.

Truman Burbank (Jim Carrey) est un homme d’une trentaine d’année qui déroule une vie rigoureusement cadrée et saine au sein de la paisible ville insulaire de Seahaven. Mariée à une jolie jeune femme blonde (Laura Linney), laquelle est infirmière, Truman, qui occupe un emploi d’assureur au sein d’une compagnie, est apprécié de tous ceux qu’il côtoie. Il peut en plus compter sur Marlon (Noah Emmerich), l’indéfectible ami qu’il a depuis son enfance. La vie de Truman semble comme idéale, conforme au-delà du raisonnable au cliché type de la famille américaine modèle. Ce monde commence soudainement à s’effriter lorsqu’une lampe tombe du ciel en pleine rue, sous les yeux d’un Truman incrédule.

La vérité, Truman ne la connait pas encore. Il est le héros planétaire d’un spectacle de télé-réalité qui retient en haleine le monde entier depuis 30 ans, depuis sa naissance retransmise en direct dans les foyers de milliards de téléspectateurs. Un univers entier a été fabriqué pour contenir le show. Seahaven est une ville factice, habitée par des milliers de figurants qui tous savent ce que Truman est le seul à ignorer. Truman a pourtant des envies d’ailleurs. Il rêve de partir loin, de rejoindre les îles Fidji à l’exact autre extrémité du Globe. Tout est fait, et tout le monde agit, pour que Truman se décourage et se satisfasse de la vie qu’il mène dans « la plus agréable ville du monde ». D’autres dérèglements surviennent qui vont cependant éveiller ses soupçons, le plonger dans une sorte de paranoïa, et l’inciter davantage encore à s’enfuir de cette cité qui le tient prisonnier.

The Truman Show permet ainsi à Jim Carrey d’endosser pour la première fois un premier rôle plutôt grave. Il élargit sa panoplie d’acteur et se trace une nouvelle direction, que son film suivant, Man on the moon (Milos Forman, 1999) confirmera.

En lui-même, le film permet une réflexion plutôt brillante sur la télé-réalité, mais sans aller jusqu’à la critique pure. La satire est plutôt douce mais suffisamment précise pour alerter sur les dérives possibles du genre, lesquelles seront rapidement franchies avec la multiplication d’émissions qui apparaîtrons sur les écrans à partir du début des années 2000. En France, cela commencera avec Loft Story en 2001 sur M6. The Truman Show ne fait alors que préfigurer ce qui sera un phénomène de masse, et sur la planète entière.

Pour son premier scénario, Andrew Niccol fait déjà preuve d’un certain sens de l’anticipation, avec des thématiques qui commencent à se remarquer puisque Bienvenue à Gattaca, sa première réalisation, est sorti dans les salles quelques semaines avant le film de Peter Weir. Les deux films prennent place chacun dans un monde idéal et artificiel avec des héros qui cherchent à s’affranchir à tout prix de leur condition initiale pour abolir la frontière entre deux monde séparés, c’est à dire un environnement social dit idéal et en marge de la société entière. On pourrait pousser la comparaison plus loin, avec un règlement qui se joue par le franchissement d’une mer. Et c’est bien au bout de l’océan que Truman trouvera comment s’échapper enfin.

B.T

The Truman show ****1/2

Sortie française le 28 octobre 1998

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  1. Négociateur (The Negotiator) de F. Gary Gray (1998)
  2. Jackie Brown de Quentin Tarantino (1998)
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