Habemus Papam de Nanni Moretti (2011)

On avait plus de nouvelles de Moretti cinéaste depuis Le Caïman (2006), satire grinçante et un peu bancale du personnage de Silvio Berlusconi. Avec Habemus Papam il s’attaque à une autre institution italienne, le Vatican. « S’attaque » n’est pas le mot, car si Habemus Papam est un film plaisant et drôle, il n’en demeure pas moins inoffensif à l’égard de l’Eglise Catholique. Le film est tout de même emprunt d’une véritable dérision, mais pas de quoi fouetter une mouche et ce n’est pas un reproche.

Si le film est notamment formidable pour sa verve, ce n’est pas non plus un métrage particulièrement bavard. Le seul à parler beaucoup est Moretti lui même, et quand il prend la parole, quand il échange avec lui même aussi bien que lorsqu’il parle avec les cardinaux, c’est chaque fois formidable. Le personnage principal reste cependant le Pape, bien sûr, un Pape qui doute, qui se retrouve en pleine crise existentielle alors que le monde catholique dans son ensemble attend qu’il se révèle.

Le Pape est mort, vive le Pape ! Habemus Papam (Nous avons un pape en latin) raconte l’élection du nouveau suzerain pontif. D’emblée nous nous retrouvons dans les coulisses de la réunion en conclave des 108 cardinaux électeurs. Rien que pour ça, Habemus Papam est précieux, car on pas l’habitude de scruter d’aussi près ce qui est un évènement historique, mais rarissime. L’intérêt ne se résume pas à cette plongée là. L’idée d’un Pape en errance, qui panique à l’idée d’assumer ses très hautes responsabilités est assez géniale. Michel Piccoli incarne à merveille ce pape en perdition, qui visite incognito quelques romains anonymes qui ne se doutent pas de qui ils ont affaire. Le cardinal Melville n’était pas favori, personne ne sait qui il est. Il renoue alors avec le théâtre, son premier amour, à la faveur d’une rencontre avec un acteur illuminée qui répète les tirades de La Mouette de Tchekov dans les couloirs d’un hôtel.

L’errance du nouveau Pape est touchante, mais ce qui passe à l’intérieur du Vatican est savoureux. On retrouve dans le Cardinal Gregori (Renato Scarpa), les traits du Cardinal Ratzinger, premier soutient du Pape Jean-Paul II dont la béatification a été célébrée lors du dernier week-end pascal. La sortie du film en Italie a d’ailleurs coïncidé avec cette cérémonie, ce qui n’est bien sûr pas un hasard.

Le Cardinal Gregori s’ingénie a trouver des solutions pour que l’ensemble des Cardinaux et des catholiques dans l’attente de la révélation du nouveau Pape, continuent d’être patient. Il est dans une situation délicate et c’est le moins que l’on puisse dire. Il organise alors deux choses, l’évasion du Pape pour qu’il puisse consulter une psychanalyste en ville (!) et l’installation d’un « comédien » dans la chambre du souverain pontif, pour faire croire que ce dernier médite seul et se guérit de ses doutes. Les deux idées sont assez géniales, car d’un coté elles favorisent la confrontation entre foi religieuse et psychanalise et de l’autre parce que les Cardinaux réunit en conclave se retrouve en position d’attente, ce qui va provoquer quelques situations un petit peu étonnantes. Moretti montre les cardinaux comme de grands enfants et c’est à ce niveaux là que la dérision s’opère véritablement. Ils se comportent comme des gosses en salle de récré et Moretti, en psy retenu malgré lui, se substitue au professeur. Parce qu’ils sont turbulents, il en vient à organiser un tournoi de volley auquel les cardinaux se pretent volontiers.

Ainsi, Habemus Papam amuse beaucoup, en ne se moquant des uns et des autres que très gentimment. C’est un film certes consensuel mais vraiment plaisant. Qu’importe que l’on soit croyant de cette religion ou d’une autre ou bien athée, ce n’est pas un film qui s’adresse à un coeur de cible religieux. Au contraire, c’est un film qui n’engage  pas la foi, un film qui s’adresse à tout le monde sans disctinction, un film leger et étonnant, passionnant même car c’est un beau cadeau que nous offre Moretti à reconstituer de cette manière respectueuse les cuisines secrètes du Vatican.

Benoît Thevenin

Habemus Papam ****

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