Fighter (The Fighter) de David O. Russell (2011)

C’est l’histoire d’un boxeur donné perdant, qui s’en prend plein la gueule pendant tout le combat et qui trouve finalement les ressources nécessaires pour se révolter et mettre KO son adversaire in extremis. La différence avec Rocky Balboa, c’est que Micky Ward existe vraiment. Son combat avec Arturo Gatti (*) en 2002 a même marqué les annales de la boxe, à la faveur d’un neuvième round mythique car extraordinaire d’intensité. Fighter raconte la trajectoire, heurtée mais singulière, de ce boxeur laborieux mais téméraire. Micky Ward est le demi-frère de Dicky Eklund, son aîné qui a connu son moment de gloire sur les ring en faisant trébucher le grand Sugar Ray Leonard.

Fighter est un projet initialement porté par Darren Aronofsky, finalement producteur exécutif du film réalisé in fine par David O. Russell. Ce dernier ne s’est pas retrouvé là par hasard. Il est le réalisateur des Rois du Désert, le film qui a véritablement lancé la carrière de Mark Wahlberg, comédien aujourd’hui respecté mais qui a d’abord connu la violence de la rue, la drogue, la violence et la prison, le tout jusqu’à ses vingts ans et ses débuts dans le showbiz via le rap et grâce à son frère Donnie. On vous recommande la lecture du portrait de Mark Wahlberg dans Sport&Style, supplément magazine du journal L’Equipe, à la date du 5 mars 2011. L’article est saisissant et impressionnant. En tout cas il n’est pas certain que tout le monde connaisse Mark Wahberg sous le jour par lequel il est présenté dans ce reportage. Et c’est une lecture qui éclaire quelque peu la réception de Fighter, d’où cette parenthèse que l’on s’autorise.

Darren Aronofsky, a réalisé The Wrestler, Lion d’Or à Venise en 2008. Mettre en scène Fighter aurait fait doublon dans sa filmographie tant les deux sujets ont des points d’accroche qui les font se ressembler un peu. Aronofsky s’est concentré sur Black Swan, bien lui en a prit, et Mark Wahlberg, pour qui le projet de Fighter tient particulièrement à coeur, est donc allé chercher David O. Russell.

On en est donc là : Fighter est un film très personnel à Mark Wahlberg et que l’on pourrait décrire comme un Rocky (G. Avildsen, 1976) revu et corrigé par Darren Aronofsky.
A la vue du film, on comprend l’intérêt que le réalisateur de The Wrestler a porté pour ce projet : corps meurtris et martyrisés, parcours tortueux menant vers un objectif obsessionnel etc.
Et la ressemblance avec Rocky est tout autant frappante. Au delà de la capacité des deux héros à endurer les souffrances, il y a le contexte social dur, le soutient d’une femme qui va pousser le personnage à se surpasser (ici, Charlene, jouée par Amy Adams), et puis surtout, Rocky comme Fighter sont deux fables sociale glorifiant le mythe du rêve américain.

L’intérêt de Mark Wahlberg pour cette histoire se trouve lui ailleurs, dans le parcours même de Micky Ward, et le rapport que ce dernier entretien avec son frère Dicky. Car Fighter, avant d’être l’histoire d’un boxeur, est celle d’une famille. Dicky, parce qu’il a réussit à mettre à terre une fois Sugar Ray Leonard, s’est construit une légende exagérée qui fait de lui une figure des quartiers défavorisés de Lowell, Massachusetts. Dicky (Christian Bale) est accro au crack, mais aussi le coach de son frère. Micky vit totalement dans l’ombre de son aîné, tandis que Dicky court à travers lui après une gloire frôlée mais perdue.

Christian Bale, les yeux exorbités, l’attitude hallucinée, occupe alors tout l’espace du métrage. C’est d’abord lui que la caméra suit, d’autant que la narration prend comme point de départ le documentaire que HBO est en train de tourner en suivant les pas de Dicky. La performance physique de Christian Bale est autant excessive qu’impressionnante, ce qui lui a valu l’Oscar 2011 du meilleur second rôle. Son incarnation est également flipante, tant on observe une fois de plus les transformations  physiques que l’acteur s’inflige depuis quelques années (The MachinistBatman Begins (2005) ; Rescue DawnThe Dark Knight (2007-2008), et maintenant Fighter). Ainsi, de la même manière que Micky reste dans l’ombre de Dicky, Mark Wahlberg figure très en retrait de Christian Bale. Son implication physique est réelle, plutôt saisissante même, mais en terme de charisme pure, Wahlberg demeure très effacé, comme souvent quelque soit le rôle qu’il incarne.

Finalement, à l’instar de Micky Ward lui même, Mark Wahlberg impose sa loi sur le ring. Même si les séquences de combats sont filmées de manière classique (en même temps, la boxe a tellement été observée par les caméras des cinéastes qu’il ne doit plus y avoir le moindre angle original), l’intensité des affrontements est transmise au spectateur, la violence des coups est ressentie etc.
Le film convainc alors. Ce n’est pas le grand choc, Fighter n’a rien d’extraordinaire ou de particulièrement marquant, mais il remplit son contrat honorablement. C’est un film qui ne laisse pas non plus insensible, sans marquer au fer cependant. On a le droit de lui préférer la naïveté sincère de Rocky, également l’émotion plus sensible de The Wrestler, mais on ne nie pas pour autant que Fighter est plutôt un bon film.

Benoît Thevenin

(*) Arturo Gatti, boxeur québécois d’origine brésilienne, est décédé tragiquement en 2009 dans des circonstances demeurées mystérieuses. Son suicide n’est pas complètement avéré. Le producteur de Polytechnique – réalisé par Denis Villeneuve en 2009 sur la base des faits réels de la tuerie de l’École Polytechnique de Montréal en 1989 – vient d’annoncer l’achat des droits du Dernier round, biographie du boxeur écrite par Jacques Pothier, en vue d’une adaptation au cinéma.


Fighter – Note pour ce film : ***1/2

Sortie française le 9 mars 2011


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  4. Perfect sense de David Mackenzie (2011)
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4 commentaires sur “Fighter (The Fighter) de David O. Russell (2011)”

  1. valerie dit :

    Moi aussi j’ai beaucoup aimé, j’ai pas mal de trucs à écrire dessus je te tiendrais au courant:)!

  2. selenie dit :

    Enième film sur la boxe le réalisateur a eu la très bonne idée de construire le film autour du documentaire qui est fait sur le frère ainé. Mais le gros soucis reste les trop nombreuses ellipses dans la carrière de Ward (devrais-je dire partie de carrière). Ward a par exemple eu une coupure de 3 ans qui est complètement occultée. Mais à part ça il faut bien avoué que c’est un très bon film même si on lui préfèrera, dans le genre, « Gentleman Jim » ou « Raging Bull » et bien d’autres. 3/4

  3. WWW dit :

    Moi qui t’avais retrouvé sur WordPress, voilà que tu transhumes à nouveau. Comment va ma Laterna ? Si tu veux me rendre visite, je t’ai mis le lien.

  4. Nicolas dit :

    « vient d’annoncer l’achat des droits du Dernier round, biographie du boxeur écrite par Jacques Pothier, en vue d’une adaptation au cinéma. »

    Oh c’est énorme c’est mon prof de littérature qui a écrit cette biographie!

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