Chronique des morts-vivants (Diary of the dead) de George A. Romero (2007)


Des étudiants en cinéma tournent dans une forêt un film d’horreur à petit budget, lorsque la nouvelle tombe au journal télévisé : partout dans le pays, on signale des morts revenant à la vie…

A l’instar de Cloverfield et Rec, dont nous venons de parler, Diary of the Dead épouse le point de vue d’une caméra pour suivre en totale immersion une histoire. Pour le cinquième film de sa saga des morts-vivants, George Romero s’inscrit donc dans un courant très actuel de films sans doute eux même influencé par l’avènement de la télé-réalité, des téléphones portables de youtube et donc cette idée d’une caméra témoin en toute circonstance, du citoyen qui peut s’improviser journaliste etc. Romero se démarque néanmoins de tous les films que nous avons cité par plusieurs originalités qui font de ce long-métrage un cas à part, intriguant, mais pas forcément plus efficace que ces frères.

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Dès les premières images, une voix-off externe vient se greffer au film et l’un des personnages explique au spectateur ce qu’il s’apprête à voir. En résumé, le caméraman est décédé et notre narratrice a repris le flambeau du film qu’il tournait. Romero triche par rapport à ses aînés : ce qui s’apparente d’abord à un témoignage direct sur une situation précise se transforme peu à peu en auto-fiction cinématographique, avec montage, bande-son extra-diégétique et volonté affirmée de la part de la narratrice de proposer un « film qui fait peur ». Il s’agit peut-être là de la première limite du film, coincé entre deux approches différentes et a priori contradictoires. Cette contradiction est rendue possible par l’idée de Romero de prendre position – comme il l’a toujours fait – par rapport à la société dans laquelle il vit. Or, aujourd’hui, le monde est régit d’abord par l’importance prise par les messages vidéos quelqu’ils soient. Ainsi, telle une vidéo virale qui parcourt le monde à la vitesse de la lumière par le seuls biais des nouveaux network internet, une contamination s’opère au sein même du film.

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Si Diary of the dead prend peu à peu une forme cinématographique classique c’est parce que Romero introduit dans son film une multiplication progressive des points de vues. D’autres caméras subjectives s’intègrent donc au récit, offrant la possibilité à notre narratrice/réalisatrice, un stock d’images qui lui permet de satisfaire son envie de « monter » son histoire de la même manière qu’une fiction. Champs/contrechamps, grammaire des plans, le cinéma transpire donc inévitablement. Trop malheureusement, car les contre-sens sont légions (vidéos de surveillance sonore, vidéos de téléphones portables à la qualité équivalentes aux images betacam etc.)

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Heureusement Romero réussit à faire avaler ces curieux parti-prit par une distance prise avec son sujet via la parodie. Tout est finalement dirigé vers cette idée là. Dès le début du film, l’histoire est introduite via une référence au célèbre canular radiophonique inspiré par La Guerre des mondes et  commis par Orson Welles en 1938 (lequel provoqua une authentique panique générale). Par cette référence, Romero introduit deux données essentielles de son film : le ton parodique d’abord, une critique assez féroce des médias ensuite. Diary of the dead commence ainsi avec le tournage d’un film d’horreur parodique et des personnages caricaturés à l’extrême. Les « héros » du film ne seront par la suite pas moins archétypaux et, quand les évènements supposées réels rejoignent la fiction du film dans le film, non seulement la boucle et bouclée mais surtout, le sens parodique du film est confirmé.

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Celà ne suffit pas. Si la critique des médias est elle contenue essentiellement dans les dialogues plutôt inspirés du film, le sous-texte de Diary of the dead est au bout du compte le même que celui des autres films de zombies du cinéaste. Romero se répète, se mord la queue parfois, mais le message passe.

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Diary of the dead n’est pas à proprement parlé le grand film espéré, il s’agirait plutôt d’une version moderne du premier opus, La nuit des morts-vivants. Il ne faut pas vraiment chercher plus loin. Diary of the dead est un objet curieux, assez drôle et jouissif. On a pris l’habitude des mises à morts de zombies et Romero fait un effort évident pour être autant que possible original. Ca marche encore pour cette fois, mais Romero s’essoufle c’est évident. On gagnera tous à ce que désormais, il tourne définitivement la page.

Benoît Thevenin


Diary of the Dead – Chronique des morts vivants – Note pour ce film :
Sortie française le 25 juin 2008


Lire aussi :

  1. Joshua de George Ratliff (2007)
  2. REC. de Jaume Balaguero et Paco Plaza (2007)
  3. Belles à mourir (Drop Dead Gorgeous) de Michael Patrick Jann (1999)
  4. [Nous, les vivants] Interview avec le réalisateur Roy Andersson
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