Slumdog Millionnaire de Danny Boyle (2008)

Jamal Malik, jeune homme de dix-huit ans issus des bidonvilles de Bombay, est un héros national. Il est sur le point de remporter 20 millions de roupies à l’émission « Qui veut gagner des millions », version indienne. A t’il triché ? Est-il chanceux ? Est-il un génie ou était-ce simplement écrit ?

Les distributeurs du film ont-ils pariés sur le déroulement de la cérémonie des Golden Globes pour sortir Slumdog Millionaire en France ? Toujours est-il que le film débarque de manière assez opportune, deux jours après la razzia de prix reçu à Los Angeles de la part des journalistes de la presse étrangère à Hollywood. Une belle pub.

Danny Boyle, réalisateur culte, notamment de Trainspotting et Petits meurtres entre amis, n’avait jamais remporté de récompenses majeurs sinon le BAFTA (Cesar anglais) du meilleur film en 1996, justement pour Trainspotting. Aux Golden Globes 2009, Slumdog Millionnaire a été couronné de quatre prix : meilleur film dramatique, meilleur réalisateur, meilleur scénario et meilleure bande-originale.

Slumdog Millionnaire est un projet quelque peu à part dans la filmographie du cinéaste, et une oeuvre finalement assez courageuse. Certes, l’Inde est une ancienne colonie britannique et de nombreux immigrés venant de cette région vivent en Grande-Bretagne, mais il est tout de même assez audacieux que de vouloir réaliser un grand film populaire à l’autre bout du monde et avec des acteurs totalement inconnus. La star du film, c’est Danny Boyle. Reste que Slumdog millionnaire repose sur un concept fort autour du jeu « Qui veut gagner des millions », programme télé universellement formaté. Les spectateurs ne pourront pas être dépaysés par le décor du jeu, il est partout le même, avec la même musique, le même habillage et la même gestion du suspens. Et puis surtout, l’histoire de Jamal Malik, aussi extraordinaire puisse t’elle être, repose elle aussi sur quelque chose d’universel. Et c’est bien ça qui fait la richesse du film.

Jamal Malik est un garçon simple, pas un génie. Il répond juste aux questions les plus difficiles et se retrouve soupçonné de tricherie. Comment un jeune homme issu des bidonvilles peut-il en savoir plus que les médecins ou avocats qui ont pu se retrouver à sa place sur le plateau ? Si Jamal connaît les réponses, c’est parce qu’il les a d’une certaine manière vécue.

Slumdog Millionnaire se construit sur ce principe là très facilement et rapidement identifié. L’histoire de Jamal depuis son enfance coïncide avec les questions. Heureusement, l’ingéniosité du scénario permettra d’esquiver toute espèce de routine. L’histoire est captivante car riche en surprises et rebondissements. Les clés qui servent à faire sauter les verrous du jeu sont dans le fond assez grotesques. Mais ça n’a aucune espèce d’importance. Cette histoire ne rend compte d’aucune réalité, c’est au contraire une parfaite fable.

L’enjeu pourrait-être l’argent, puisque c’est bien cela qui est énoncé d’abord. Au départ, ce qui intéresse tout le monde c’est de savoir par quelle combinaison Jamaal a t’il pu atteindre le Graal. Pourtant, l’argent n’est pas le Graal de Jamaal, ses motivations sont ailleurs, dans un sourire. L’histoire de Jamaal depuis son enfance, ce trio d’inséparables au parcours pour le moins tourmenté, va révéler peu à peu le vrai trésor que poursuit Jamaal, le véritable objet de sa quête. Et c’est bien ce qu’il y a de plus beau dans le film.

Slumdog Millionnaire est à la fois drôle et émouvant, captivant et même tourbillonnant, coloré et chatoyant. Il est certes un peu naïf, mais on l’a dit, on est dans le registre de la fable et rien d’autre. Slumdog Millionnaire possède des vertues euphorisantes que l’on ne retrouve pas si souvent au cinéma. Alors on aurait tord de ne pas s’embarquer dans le récit de cette extravagante destinée.

Pour Danny Boyle, le film est d’autant plus une surprise qu’il se démarque assez de ce qu’il a fait jusqu’à présent. Ces films ont souvent eu pour point de départ l’argent et tout laisse à penser que Slumdog Millionnaire aussi. L’argent n’est pourtant ici qu’un pretexte, un accessoire. Boyle s’éloigne un petit peu de ses thèmes de prédilection, mais prend aussi un peu de distance par rapport à ses tics de mises en scènes. La réalisation de Slumdog millionnaire n’est pas avare en trouvailles, mais il y a moins d’effets clinquants que dans la plupart de ces autres films. Slumdog Millionnaire est peut-être au final son film le plus fou, et en même temps il est le plus sage. Il est en tout cas plus que jamais un éminent garant d’un cinéma populaire ambitieux, énergique et de qualité.

Benoît Thevenin


Slumdog Millionaire – Note pour ce film :
Sortie française le 14 janvier 2009

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Aucun commentaire sur “Slumdog Millionnaire de Danny Boyle (2008)”

  1. vierasouto dit :

    Bonjour! Je ne suis pas du tout de cet avis, peut-être suis-je la seule à ne pas aimer ce film, mais je l’ai trouvé assez insupportable, la caméra hystérique, le vacarme (peut-on encore parler de son…), quant à la structure de l’histoire, à chaque question, un souvenir qui dénoncerait l’Inde, la vraie : j’ai en le sentiment que c’était plus opportuniste, démago et racoleur que politique. Je pense que les Inrocks ont vu juste en disant qu’il visait le marché indien qui est énorme en chiffres (voir l’étonnant générique de fin qui n’a rien à voir avec le reste du film).

  2. Vlad dit :

    J’ai pas encore vu le film mais je vais essayer de le voir cette semaine. Avec Danny Boyle, on est rarement déçu (sauf peut etre avec « La plage » qui est a ma connaissance sa seule casserole :P)

  3. MaG dit :

    premier bon film de l’année 2009 pour moi !!

    j’ai adoré

  4. Benoît Thevenin dit :

    @ Viera : J’avoue être assez étonné par rapport à ton regard sur ce film. Je comprend parfaitement que l’on ne l’aime pas mais en revanche je ne crois pas qu’il faille y voire une fable sociale ou quoi que ce soit de cet ordre. Le film prend juste en compte la réalité des castes qui segmentent très durement la société indienne mais ca rend juste compte d’une recette très simple et récurrente à Hollywood : le conte de fée vécu par un personnage des bas-fonds et qui par son histoire extraordinaire connait le succès. A mon avis, ce film ne fait que raconter une histoire d’amour, avec un ton volontairement mièvre parce que l’on est justement dans le registre de la fable.

    Que le film vise le marché indien, ca me semble une évidence : les couleurs, la naïveté, la trajectoire des personnages, tout ceci correspond à une certaine idée du cinéma bollywoodien. Et la séquence générique, qui se veut une apothéose par rapport à la conclusion heureuse, va évidemment dans ce sens.

    La bande-son ? Ca ne m’a pas frappé plus que celà. C’est bouillonnant certes, mais je ne me suis pas senti agressé. C’est quand même bien moins agressif que le brouhaha de Manille dans Serbis ;). La caméra hystérique, ca c’est Danny Boyle dans toute sa splendeur.

    Enfin bref, ce n’est certainement pas un grand film mais j’ai quand même pris mon plaisir devant, en témoigne bien évidemment mon texte. Mais rien que les Golden Globes, ca me dépasse. Le film ne mérite sans doute pas autant de louange, ca commence à être démesuré.

  5. Axel dit :

    Juste une remarque concernant les polémiques qui entourent ce film : N’est-ce pas bizarre que cela tombe en pleine campagne pré-Oscars ? Tiens, un film de la Weinstein Company est aussi nommé dans les principales catégories : The Reader ! Tiens donc, Les Noces Rebelles (Dreamworks) de Sam Mendes avec Kate Winslet n’y figure pratiquement pas. Mais cette dernière est nommée pour The Reader, film produit par Harvey Weinstein…

    Que je suis mesquin, que j’ai l’esprit mal tourné, le pauvre Harvey n’y est pour rien… :-)

  6. C’est l’un des plus beaux films des dernières années. Je le vois et revois, je ne m’en lasse pas !

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