My Joy (Schastye moe) de Sergei Loznitsa (2010)


Invité surprise de la compétition officielle,‭ ‬l’ukrainien Sergei Loznitsa signe son premier long-métrage de fiction après s’être taillé depuis quelques années une solide réputation de documentariste.‭ ‬Mon Bonheur renvoie moins au documentaire qu’à un style typique des cinématographies d’Europe de l’est,‭ ‬avec une mise en scène lourde et rigoureuse‭ ‬-‭ ‬mais ample‭ ‬-‭ ‬et un rythme étiré en longueur.‭ ‬Le film est long‭ (‬2h07‭) ‬mais sa durée est justifiée.‭ ‬On devine la volonté du cinéaste d’imprimer sur la pellicule sa photographie d’une Ukraine contemporaine toute bosselée,‭ ‬engagée dans une routine de corruption et de violence.‭

Loznitsa s’attarde beaucoup sur les visages des personnages,‭ ‬jusqu’à faire penser l’espace d’un instant à Bela Tarr,‭ ‬l’éminent cinéaste hongrois si prompt à interroger sans en avoir vraiment l’air la place de l’homme,‭ ‬sa condition sociale et morale,‭ ‬dans son pays.‭ ‬La démarche de Loznitsa est différente,‭ ‬moins spectaculaire d’un point de vue esthétique,‭ ‬bien que formellement le film est quand même ambitieux et fascinant‭ (‬avec une photo signée Oleg Mutu,‭ ‬chef op‭’ ‬de Cristian Mungiu sur‭ ‬4‭ ‬mois,‭ ‬3‭ ‬semaines et‭ ‬2‭ ‬jours,‭ ‬Palme d’Or‭ ‬2007‭) ‬,‭ ‬et avec une dimension philosophique moindre.‭  ‬Loznitsa emprunte des chemins détournés,‭ ‬quitte à perdre parfois le fil d’une narration que l’on considère‭  ‬à priori comme basique.‭

Le cinéaste déroule en fait une histoire très décousue,‭ ‬avec des personnages qui apparaissent et disparaissent sans que l’on établisse une véritable logique.‭ ‬Tous croisent le chemin de Georgy,‭ ‬un jeune chauffeur routier à la vie simple et recroquevillée mais dont le regard un peu naïf s’accommode du notre.‭ ‬On découvre un peu perplexe,‭ ‬avec lui,‭ ‬une société chaotique et dangereuse,‭ ‬jusque dans ses campagnes loin de la ville.‭ ‬Le désordre du film parait en fait très maîtrisé et aboutit à un constat sombre et désespéré,‭ ‬évidemment à l’inverse du cynique titre.‭ ‬La seule allusion au bonheur dans le film est liée à l’image de doigts dans le cul,‭ ‬comme si les Ukrainiens,‭ ‬dès lors qu’ils agissent et se débattent,‭ ‬étaient condamnés à leur autodestruction.‭ ‬Ce n’est pas tout à fait le propos du métrage,‭ ‬mais il en découle cet sorte de constat d’échec.

Benoît Thevenin


My Joy– Note pour ce film :
Sortie française le 17 novembre 2010

Lire aussi :

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  2. The Housemaid de Im Sang-soo (2010)
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