Un Homme qui crie de Mahamat-Saleh Haroun (2010)


La présentation à Cannes d’Un Homme qui crie coïncide avec le cinquantenaire des indépendances africaines. La sélection du film est un évènement en soi car rares sont les longs-métrages produits sur le sol d’Afrique à franchir la mer et concourir pour la Palme d’Or.

Mahamat-Saleh Haroun livre un métrage que l’on rapproche naturellement de Chongqing Blues de Wang Xiaoshuai, également en lice pour la Palme cette année et présenté quelques jours auparavant en ouverture de la compétition. Ce que les deux films partagent, c’est cette figure d’un père sur les traces de son fils. Les causes et conséquences ne sont pas les mêmes, mais la façon d’intérioriser les douleurs chez l’un et l’autre personnage conduit quelque peu à faire le rapprochement.

Dans le film de Mahamat-Saleh Haroun, le père est un maître-nageur – ancien champion national de natation – dans un complexe hôtelier à N’Djamena. La vie semble paisible, l’hôtel constituant un havre de paix préservé des troubles dont la radio rend compte. Le climat général est alors assez peu évident à appréhender. La réalité d’une menace existe, tout le monde en a conscience, mais le récit se déroule dans une quiétude qui n’est pas si rassurante. Chacun est fragile, il y a possibilité d’un endormissement alors même que ce qui se joue par ailleurs est grave et pourrait tout compromettre.

Le cinéaste décrit une situation qui n’est pas seulement celle du Tchad ou des nations africaines en péril à cause des mouvements rebelles. Haroun évoque une histoire simple mais qui dissimule plusieurs couches. La guerre est autant intime, sociale que politique. La guerre intime se noue autour de la relation entre le fils et le père. Pour ce dernier, la natation représente toute sa vie et il n’accepte pas que son fils lui vole sa place, le relègue à une fonction différente et symbolique (garde-barrière) car lui aussi a besoin de travailler. La dégradation du contexte social divise une famille qui initialement parait à priori solidaire et apaisée.

En parallèle, une guerre civile plombe toute l’ambiance. Un mouvement rebelle conteste l’autorité du gouvernement. Une contribution à l’effort de guerre est exigée et le père accepte de livrer son fils à l’armée. Il en aura vite le remord, d’où l’idée d’un père sur les traces de son fils. Tranquillement et sans heurt visible, tout se détériore alors, la famille, le social et le politique donc. Un très beau film, simple et profond qui mérite une véritable attention.

Benoît Thevenin


Un Homme qui crie – Note pour ce film :

Sortie française le 22 septembre 2010

Lire aussi :

  1. Mourir comme un homme (Morrer Como Um Homem) de Joao Pedro Rodrigues (2009)
  2. Chongqing Blues (Rizhao Chongqing) de Wang Xiaoshuai (2010)
  3. Un Homme et son chien de Francis Huster (2009)
  4. Un Autre homme de Lionel Baier (2009)
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